Pour en finir avec la question musulmane: commedia contemporaine

Pour en finir avec la question musulmane © Danny Willems
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Après plusieurs incursions au théâtre dans un registre plutôt tragique, l’islamologue Rachid Benzine signe une comédie où s’entrechoquent diverses orientations, religieuses, politiques et sexuelles.

Voilà un pari qui n’était pas gagné d’avance. L’islamologue franco-marocain Rachid Benzine, connu pour des essais comme Les Nouveaux penseurs de l’Islam, Le Coran expliqué aux jeunes et Des mille et une façons d’être juif ou musulman (avec Delphine Horvilleur), s’est donc lancé dans la comédie. Pour écrire Pour en finir avec la question musulmane, qu’il met également lui-même en scène, il a repris le titre, le concept et le ton (drôle et didactique) de Pour en finir avec la question juive de Jean-Claude Grumberg (publié en 2013). Mais ici, ce ne sont plus deux hommes (un Juif, un non-Juif) qui discutent dans la cage d’escalier d’un immeuble, mais toute une galerie de personnages, représentatifs de certains courants de la société contemporaine.

L’astuce de Benzine, qui l’empêche de tomber dans la pièce à thèse prêchi-prêcha, c’est de s’en remettre à une recette éprouvée de l’humour théâtral: les ficelles et les types de la commedia dell’arte. En Capitan Matamore fanfaron mais parfois trouillard, nous avons Pharisien (Jean-Claude Derudder), brosse et moustache, aigle sur le t-shirt, partisan de l’extrême droite. À l’extrême gauche, Galletier (Vincent Sornaga), nostalgique du Parti communiste, fait office de Scaramouche batailleur. Dans la valse des romances à rebondissements, le rôle des amoureux revient au final à Alexandra Cohen (Ana Rodriguez), juive, lesbienne et féministe, et Ludivine-Khadija (Camille Voglaire), sortie major de Polytechnique, convertie à l’islam, nymphomane voilée mariée 19 fois déjà (dont trois en Syrie). Quant au valet Arlequin, il devient un concierge juif, Graniszenski (Jean-Luc Piraux), dont les oreilles traînent toujours dans les couloirs. Au milieu de tout cela, Rachid Benazzouz (Fabien Magry), double à peine masqué de l’auteur, tente de raisonner les uns et les autres, quand il n’est pas occupé à désamorcer les soupçons de Farah (Hassiba Halabi), la meilleure amie de sa mère qui aimerait tant le voir casé.

Servant de trame à cette commedia contemporaine, il y a l’installation dans l’immeuble d’un jeune en djellaba, assigné à résidence, invisible mais cristallisant toutes les peurs, qui finira expulsé. Benzine glisse çà et là quelques-unes de ses idées et de ses combats, en gardant l’équilibre sur le fil tendu entre la réflexion et le rire. Un bel exercice de funambule.

Pour en finir avec la question musulmane: jusqu’au 21 avril au Théâtre de Liège, www.theatredeliege.be

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content