Les mots de Houellebecq sur scène

© Simon Gosselin
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Avec de la vidéo et de la musique live, Julien Gosselin a réussi le pari risqué de porter Les Particules élémentaires de Houellebecq sur scène. Cru, osé, magistral.

Il aura donc fallu attendre plus de quatre ans pour voir débarquer en Belgique Les Particules élémentaires, adaptation du roman de Michel Houellebecq (sorti en 1998) créée au Festival d’Avignon par le jeune metteur en scène Julien Gosselin qui, c’est encore plus évident avec le recul, n’a pas manqué de culot pour s’atteler à une tâche aussi titanesque. Gosselin a des « couilles » -pour reprendre un terme plusieurs fois utilisé dans le spectacle, on connaît les champs sémantiques de Houellebecq-, ça oui, et beaucoup de talent. Avec une équipe de onze comédiens/musiciens qui assument crudité, horreur et mélancolie, Gosselin réussit le tour de force de condenser le roman sur scène en moins de quatre heures, en gardant sa complexité et sa cohérence, en restant fidèle à la lettre et à la poésie de l’auteur, et en en faisant ressortir tout l’humour, désabusé, cruel, lucide.

La vidéo l’aide beaucoup dans cette mission, grâce à un écran géant surplombant tout le plateau et sur lequel défilent des gros plans sur les acteurs filmés en live, des évocations de paysages et, surtout, des mots servant de jalons pour les multiples voyages dans le temps et l’espace -on suit quand même la vie de demi-frères, Bruno et Michel, des années 50 jusqu’à aujourd’hui, avec une extension finale dans un futur dystopique, ou utopique, c’est selon- et du texte offrant au spectateur le plaisir de la lecture de Houellebecq. L’auteur, campé de façon saisissante par Denis Eyriey, traîne sa carcasse sur scène pendant tout le spectacle, comme un fantôme supervisant le déroulement de sa propre fresque sur la société occidentale post-68, ses moeurs libérées, ses progrès technologiques, ses insolubles solitudes et sa tendance à l’autodestruction. « Au bout du compte, il n’y a plus que la mort », conclut une femme au bord de l’océan. Implacable et brillant. En attendant qu’arrive chez nous, peut-être, on l’espère, la version de Gosselin de 2666, le roman-fleuve de Roberto Bolaño, créée à Avignon en 2016.

Les Particules élémentaires: jusqu’au 9 décembre au Théâtre National, les 20 et 21 décembre au Phénix à Valenciennes, les 6 et 7 janvier au Singel à Anvers.

>> Lire également notre interview de Julien Gosselin.

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