Le féminisme est un gros mot

Yellow Towel © Ian Douglas
Nurten Aka
Nurten Aka Journaliste scènes

Le Beursschouwburg balance The Future Is Feminist, un festival au long cours, jusqu’en décembre, pour aborder le néo-féminisme « intersectionnel ». Ça donne envie de fuir? Le mot est éculé, la réalité, souvent galvaudée, le combat, toujours d’actualité. Keep Calm and come to my world, baby…

Ambition affichée du festival The Future is Feminist: « donner des points de référence dans le tourbillon d’interprétations et d’opinions au sein du féminisme« . Du 29 septembre au 22 décembre, le Beursschouwburg infiltre sa programmation arty de performances, films, expos, débats, concerts, soirées du genre. À découvrir: #negrophobia, performance sur l’identité du corps à la peau noire dans notre culture occidentale, Apollon Musagète, danse sur le culte du corps avec une question « Que veut la femme parfaite?« , ou encore Yellow Towel, performance dansée, entre sérieux et absurde, sur les stéréotypes de la black culture, et Traces, une chorégraphie immersive et tactile autour d’un rituel païen. Mais le programme rassemble aussi des films comme The Future Ahead, sur la représentation féminine à l’ère d’Instagram, We Need Sanctuary, sur le désir et la violence du marketing « silhouettes parfaites ». Mais il y aura également un work-shop Race & Racism, un Lesbian Bar où la buvette du Beurs est transformée par un collectif du genre, String Figures, une soirée électro-visuelle et moult autres ovnis comme un volet pour enfants, des actions dans l’espace public et une « big conversation » finale.

Le féminisme est un gros mot qui dérange aux entournures, fait râler et ‘châtre’ pas mal d’hommes et… certaines femmes. Mais la réalité vécue aussi fait râler et ‘châtre’ pas mal de femmes et certains hommes: harcèlements ordinaires, viols aux festivals d’été, pubs sexistes, propos misogynes d’hommes (politiques), menaces sur la mini-jupe et le droit à l’avortement. En 2017, peu de femmes dirigent des institutions (théâtres, musées, maisons d’opéra, festivals de musique, salles de concerts, etc.). Alors, pour paraphraser une réplique-phare du porno: non, les chiennes n’aiment pas ça! Dans le porno, elles sont à genoux, la bouche pleine et ne peuvent répliquer « You talkin’ to me?« . Dommage car, parfois, on a l’impression de récupérer certains types éduqués à ces films.

Happyland Part 1: Princess
Happyland Part 1: Princess© Jörg Baumann

Féministes au pluriel

Le féminisme est une révolution inachevée qui, de temps en temps, manifeste dans la rue. 2017 a commencé par la Women’s March aux USA, au lendemain de l’investiture de Donald Trump. Une méga contestation du féminisme intersectionnel, un concept inventé en 1991 par la féministe black américaine Kimberlé Williams Crenshaw, qui prend en compte les mouvements des minorités dominées comme les Queer ou l’afro-féminisme (qui existe depuis les années 70). Classe, race et sexe se mélangent. Sexisme, racisme, homophobie. Le mouvement s’est élargi et nuance donc le féminisme (blanc) mainstream. De l’Inde au Maroc, de la Turquie à la Pologne, les protestations féministes s’amplifient. Certaines sont artivistes, comme au Danemark cet été. Sans oublier les Femen, les Guerrilla Girls, La Barbe (groupe d’action féministe) aux actions spectaculaires mais sporadiques. Ou d’autres initiatives plus polémiques comme le premier festival afro-féministe Nyansapo, du collectif radical, black et métisse, Mwasi. Un festival avec des ateliers non mixtes, interdits aux Blancs/Blanches, avec des espaces « réservés aux femmes racisées« . La pratique vient d’un militantisme des années 70, de repli stratégique pour mieux « saisir les armes de notre émancipation« . L’aura du militantisme des années 70 ne rend pas moins la chose troublante.

En Belgique, les initiatives féministes visibles sont plutôt artistiques et discrètes comme le festival des Autrices, Game Ovaires, ou LadyFest, qui interrogeait: « Combien de jeunes filles se sont ainsi vu demander si elles savaient brancher leur guitare par des techniciens alors qu’elles jouaient depuis des années? » Côté actu du moment, outre le festival du Beursschouwburg, la féministe française Virginie Despentes s’entretiendra avec Myriam Leroy au Théâtre 140 (ce 5 octobre) et son King Kong Théorie est reprogrammé au TTO en 2018. Quant au Théâtre de la Balsamine il ouvre sa saison avec Les Oracles, un dyptique –Percées et Prototype #1– sur la place de la femme ou « la question du genre dans nos perceptions et nos imaginaires contemporains« . Un spectacle belgo-québécois mêlant danse, littérature, arts sonores et vidéo.

En juin dernier, le magazine français Causette organisait son premier festival pour « promouvoir les féminismes« . Une des conclusions des tables rondes disait: « Être une femme engagée est un état, être féministe est un combat. » Avec le risque, certes, de rebuter les pacifistes (hommes, femmes) dérangés par le terme « combat », la conclusion a le mérite de secouer les zones de confort des engagements mous et de déranger les machos, sexistes & co. Car on ne naît pas féministe, on le devient, avec ou sans « la fleur au fusil ».

  • The Future is Feminist, du 29/09 au 22/12 au Beurschouwburg, à Bruxelles, www.beursschouwburg.be
  • Les Oracles, du 28 au 30/09 à La Balsamine, à Bruxelles, www.balsamine.be
  • Virginie Despentes entretien avec Myriam Leroy, le 05/10, au Théâtre 140, à Bruxelles, www.le140.be
  • King Kong Théorie, du 21/03 au 26/04 au TTO, à Bruxelles, www.tto.be

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