Grande -, le grand déballage

Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel, duo infernal. © THIBAULT STIPAL
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

De claquettes avec chaussures en feu au lancer de couteaux en passant par le main à main et l’homme-canon, Grande – revisite les anciens numéros de music-hall dans un foutoir d’objets contemporains. Une prouesse qui est aussi un poème à compléter.

Foutraque. Voilà l’adjectif qui colle peut-être le mieux à cet objet spectaculaire non identifié pondu par Vimala Pons – vue comme actrice chez Jacques Rivette, Alain Resnais, Philippe Garel, Christophe Honoré… – et Tsirihaka Harrivel – vu, lui, chez le circassien Mathurin Bolze et le chorégraphe Dominique Dupuy. Et cela, on le comprend dès qu’on entre dans la salle, en découvrant l’apparent désordre qui a envahi la scène et qu’on a le temps d’examiner en détail pendant le décompte précédant les festivités. Le sol est parsemé d’inscriptions: « knife », « humeur 3 », « cuisine E », « jeter là »… Une foule d’objets recouvre cinq longues tables. S’y mêlent en vrac une colonne ionique, des fleurs, un cercueil, une valise à roulettes, des téléviseurs avec lecteur DVD intégré, un ballon, un mannequin présenté de dos… « La revue de strip-tease commence dans trois minutes », prévient une voix off. Trois minutes plus tard: « Bonsoir. On va commencer par la fin du spectacle. » Vimala Pons arrive alors en robe blanche, fraise autour du cou, mariée d’un défilé de mode qui commencerait effectivement par la fin, avant de se saisir du mannequin et de le placer à la verticale en équilibre sur sa tête. Dans cette position, jetant d’abord son bouquet, elle entame le numéro de strip-tease promis, où elle enlève une trentaine de couches (« 24 kilos de vêtements », précise la carte qui permet de « se repérer dans ce spectacle ») passant en revue et dans le désordre l’histoire des contraintes vestimentaires imposées à la femme, du tailleur strict au corset via le tchador, la ceinture de chasteté, les escarpins, le porte-jarretelles et les bandes épilatoires. Le tout en portant toujours le mannequin sur sa tête, et pendant que son complice joue de la trompette sur des loops.

Porter et s’accrocher

Ce numéro, irrésistible, n’est que la première – ou plutôt la dernière, donc – des huit revues constituant le spectacle. Vimala Pons portera d’autres objets sur sa tête (une échelle, une machine à laver…) alors que la spécialité de Tsirihaka Harrivel sera de s’accrocher (à un jeans, à une porte…), pour partir vers les hauteurs et glisser ensuite sur une rampe verticale le transformant en homme- canon. « Tu portes quoi? », « Tu t’accroches à quoi? »: telles sont en effet les deux questions qui traversent Grande – (le trait d’union, c’est pour que l’on complète soi-même avec ce qu’on veut). Questions prises à la fois au sens propre à travers les performances et au sens figuré d’une histoire d’amour se dessinant en filigrane entre ces deux artistes qui se sont rencontrés au Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne, qui ont fait partie du collectif Ivan Mosjoukine (De nos jours [Notes on the circus]), qui ont formé un couple à la ville mais ne sont plus aujourd’hui qu’un couple à la scène. Tout ici peut s’interpréter doublement. A un rythme infernal, le duo en met plein les yeux tout en distillant le goût parfois amer des relations sentimentales. Chaotique et époustouflant.

Grande –: aux Halles de Schaerbeek, les 5 et 6 mars. www.halles.be

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