Décès de Pierre Etaix, clown discret et facétieux

Pierre Étaix, alias Yoyo © AFP/Bertrand Guay
FocusVif.be Rédaction en ligne

Discret et facétieux, l’acteur, clown, cinéaste et dessinateur Pierre Etaix, décédé vendredi à l’âge de 87 ans, était l’auteur de perles rares du cinéma burlesque français, s’inspirant pour ses films de sa passion pour le cirque, l’art graphique et le cinéma muet.

Cet homme élégant et souriant, au regard doux, héritier de Buster Keaton et Charlie Chaplin, avait travaillé avec le cinéaste Jacques Tati et l’artiste clown Annie Fratellini, qui fut son épouse.

Récompensé par un Oscar en 1963 pour son court-métrage Heureux anniversaire, co-signé avec Jean-Claude Carrière, il était l’auteur dans les années 60 de films burlesques parmi lesquels Yoyo, sur l’univers du cirque, et Le grand amour, critique du mariage.

« Le comique, c’est la chose la plus précieuse pour moi », avait récemment confié à l’AFP celui qui se définissait avant tout comme un clown. « Le cirque, c’est l’amour de ma vie. C’est parti de mon enfance. A partir de ce moment là, ça ne m’a plus quitté. »

Né le 23 novembre 1928 à Roanne (centre), Pierre Etaix passe la majeure partie de son enfance « à observer la rue » et ses passants, se souvenait le critique de cinéma Gilbert Salachas, son ami.

Graphiste de formation, il s’initie à l’art du vitrail puis s’installe à Paris et débute comme illustrateur tout en se produisant avec des numéros dans les cabarets, au music-hall et au cirque.

Il rencontre alors Jacques Tati, qui l’engage comme dessinateur, puis comme « gagman » pendant quatre ans pour Mon oncle (1956).

« Je n’avais pas du tout l’intention de faire du cinéma », racontait-il. « Tati avait regardé des dessins que j’avais faits, et il m’avait dit que j’avais le sens de l’observation, donc du gag (…) Je me suis mis à chercher des idées comiques. C’est comme ça que tout a commencé. »

Autre rencontre capitale: l’écrivain scénariste Jean-Claude Carrière, avec qui Pierre Etaix écrit deux courts métrages, La rupture (1961) et Heureux anniversaire (1962). « On s’est follement amusés », racontait-il.

Les deux hommes co-écrivent ensuite quatre longs métrages: Le soupirant (1963), Yoyo (1965), Tant qu’on a la santé (1966) et Le grand amour (1968).

Ces oeuvres ont été longtemps invisibles en raison d’un imbroglio juridique, avant que la justice ne rende en 2009 à Pierre Etaix ses droits d’auteur sur cinq longs métrages et deux courts métrages.

« Cinéma d’artisanat »

Dans ses films, qui s’inscrivent dans l’héritage des maîtres comiques du cinéma muet – de Buster Keaton à Charlie Chaplin en passant par Laurel et Hardy -Pierre Etaix interprète généralement un personnage lunaire, marginal et idéaliste, maladroit face à un monde moderne qui le rejette.

Silhouette élégante et masque figé, celui qui fut l’un des rares représentants en France du « slapstick », burlesque aux gags visuels, se sentait loin de la « comédie bavarde » à la française.

« Ce qui m’a toujours attiré, c’est l’image et le son », disait-il. « Un gag doit fonctionner en une fraction de seconde ».

Discret et modeste, cet artiste qui comptait parmi ses amis l’acteur américain Jerry Lewis prônait « un cinéma d’artisanat ». « Au cirque, ce sont les clowns eux-mêmes qui préparent leur matériel, leurs accessoires », soulignait-il.

A la fin du tournage du Grand amour, il avait demandé à sa partenaire à l’écran, Annie Fratellini, de l’épouser. Ils avaient joué en duo sur la piste et fondé ensemble l’Ecole nationale du cirque en 1973.

Après l’échec public et critique de Pays de cocagne (1969), satire des Français en vacances, Pierre Etaix s’était réfugié dans le cirque, le théâtre et le dessin.

Ces dernières années, il était remonté sur scène après des décennies d’absence avec Miousik Papillon (2010), puis sous le chapiteau du cirque Joseph Bouglione en 2012, ressuscitant le clown Yoyo. Mais il se disait « handicapé par ses possibilités physiques ».

Il continuait cependant à beaucoup dessiner et à trouver des gags. « Il y a de plus en plus de sujets », lançait-il. « Rien que les téléphones portable, c’est une source inépuisable! »

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