[Critique théâtre] Y a pas grand-chose qui me révolte pour le moment, western orgasmique

Y a pas grand chose qui me révolte pour le moment © Alice-Piemme/AML
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Réalisme? Surréalisme? Sous-réalisme? La Clinic Orgasm Society rue joyeusement dans les niveaux de réel avec la fratrie de cow-boys de Y a pas grand-chose qui me révolte pour le moment. Yihaaaa!!!

Pourquoi est-on prêt à croire ce que l’on sait pertinemment être un mensonge? C’est une question que l’on peut se poser dans la vie quotidienne, par exemple en voyant des enfants jouer, mais c’est aussi un concept fondamental de la représentation théâtrale. En prenant place dans la salle de spectacle, pourquoi accepte-t-on de prendre pour vrai ce qui est absolument faux? C’est en équilibre sur la frontière impalpable entre les niveaux de réalité qu’évolue Y a pas grand-chose qui me révolte pour le moment, le dernier-né de la Clinic Orgasm Society (soit Ludovic Barth et Mathylde Demarez, le spectacle « be kind, rewind » J’ai gravé le nom de ma grenouille dans ton foie en 2005, c’était eux), ici en collaboration avec les Tourangeaux du Théâtre à cru (sur scène en la personne d’Alexis Armengol). Et ça commence même avant l’entrée au Petit Varia. Au-dessus du porche, une banderole visible depuis la rue a été installée pour célébrer le retour d’un certain Nicholas. Est-ce réel? Est-ce qu’il y a vraiment une fête ou est-ce que ça fait partie du spectacle? On sait pas, on n’est pas sûr, ça tangue déjà.

L’ambiance festive se poursuit jusque dans le petit couloir menant à « la salle », soit un espace délimité par une toile à l’imprimé papier peint seventies, où l’on pénètre par une porte garnie d’un rideau de perles en bois tout aussi vintage. A l’intérieur, deux cow-boys -chapeau, foulard, veste et pantalon à franges, santiags ET éperons qui tintent à chaque pas- préparent un apéro sur une énorme table, en faisant abstraction du public qui s’installe sur les quatre côtés. Parce qu’au théâtre -c’est le code-, les acteurs font semblant que les spectateurs ne sont pas là (le fameux « quatrième mur » de Diderot). Et quand un troisième personnage arrive, si c’est une femme mais qu’elle porte une fausse moustache, c’est que l’on doit croire que dans l’histoire c’est un homme, et on l’accepte. Mais la Clinic Orgasm Society pousse la complexité d’un cran: ses personnages « trahissent » parfois le fait qu’ils jouent -« c’était crédible mon entrée? », « j’ai fait un silence un peu plus long »- et l’intrigue elle-même, dans ses bribes et ses ramifications, repose sur les notions de mensonge et de croyance. A partir de ce principe, la petite troupe assure le show à renfort d’apéricubes et de pastèque, d’apparition lynchienne de coursier Deliveroo, de coups de taser et de soupe à l’oignon, et procure bien du plaisir à ceux qui, en plus de prendre le faux pour du vrai, accepteront que le plus important n’est pas de tout comprendre. Il y aura en tout cas matière à discussion en remontant au bar du Varia, puis autour d’une « limonade biorgasmique » (l’orgasme est vendeur dans tous les champs du marketing). Santé!

Y a pas grand-chose qui me révolte pour le moment, jusqu’au 10 février au Petit Varia, www.varia.be

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