[Critique théâtre] Dernier lit, l’amour à mort

Dernier lit, de Christophe Sermet © Marc Debelle
Estelle Spoto
Estelle Spoto Journaliste

Christophe Sermet donne chair à une des dernières nouvelles publiées du vivant d’Hugo Claus. Dernier lit a été créé ce 19 mars 2018, soit dix ans jour pour jour après la mort, choisie, de l’écrivain flamand.

Dernier lit est d’abord un portrait de femme, dressé à la première personne, à travers la lettre qu’Emily adresse à sa mère hospitalisée après une attaque. Dès les premiers mots, on comprend que leur relation a été tout sauf simple. « Très chère maman. Et voilà, déjà à côté de la plaque. On recommence. Chère maman. Je n’ai jamais dit ça, même pas quand j’étais gosse. » Emily, c’est Claire Bodson, complice régulière du metteur en scène Christophe Sermet (Les Enfants du soleil, Mamma Medea, Seuls avec l’hiver…), qui porte presque seule les 85 minutes du spectacle. « Presque », parce que Anna (Laura Sepul, que les téléspectateurs reconnaîtront comme Judith Stassart dans la série Ennemi public, et les habitués des théâtres comme la narratrice originelle du Chagrin des ogres de Fabrice Murgia) est aussi présente, d’abord par sa voix, souvent en retrait, discrète comme une ombre, comme un souvenir, mais parfois aussi bien réelle et allant jusqu’à prendre toute la lumière dans le récit d’un jour funeste.

Dernier lit est aussi le journal d’une passion entre deux femmes, dans laquelle elles plongent sans se soucier des conséquences et qui finit par les entraîner jusqu’au fond, dans un hôtel à la déco vaguement égyptienne de la côte belge. D’une langue qui trouve bien des équivalents dans la rudesse d’une certaine peinture flamande (plutôt Permeke et Brueghel que Spilliaert et Jan Van Eyck, auxquels l’auteur adresse ici des clins d’oeil), Hugo Claus joue avec ses lecteurs comme un chat avec une souris, distillant les informations au compte-gouttes, au gré de flash-back, avant d’asséner le coup final. Dans un décor de tables alignées comme des tombes, sur un sol violet, couleur du deuil, Christophe Sermet donne habilement à voir le puzzle découpé par Claus, semant lui aussi çà et là les indices du dernier tableau. Mais cette adaptation ne serait rien sans ses deux actrices qui vont, tête haute, toujours à la limite de la provocation, jusqu’au bout d’un texte malmenant et ne prenant aucune pincette pour sonder les abysses de la vie. Un bel hommage.

Dernier lit: jusqu’au 30 mars au KVS (Box) à Bruxelles, www.kvs.be

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