Woodie Smalls: « Je veux que les gens downloadent ma musique »

Woodie Smalls © Thomas Hoy
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Le rappeur de Saint-Nicolas Woodie Smalls et ses potes du 91 font souffler un vent ricain et old school sur le hip hop belge. Champion sound

Anvers. Jeudi après-midi. Au sixième étage d’un ancien bâtiment administratif où l’on parlait jadis chiffres et finances, une bande de jeunes rappeurs à casquette remplacent aujourd’hui les comptables en costard cravate. A droite, le studio où s’affaire toute une petite communauté. A gauche, le salon où nous attend le talentueux et bluffant Woodie Smalls. Woodie a sorti en septembre chez Sony un premier album, Soft Parade, qui a le rap old school et très américain. Il est pourtant né et vit toujours à Saint-Nicolas. Cité flandrienne de 73.000 habitants plantée quelque part entre Anvers et Gand.

« Saint-Nicolas est très calme. Il ne s’y passe pas grand-chose. C’est une ville de vieux », rigole le rappeur de 19 ans. Une ville guère cosmopolite puisqu’elle compte à peine 5% d’allochtones. « Ce n’est pas facile d’y être black. Ils n’en voient pas beaucoup là-bas. A l’école, j’étais le seul Noir de ma classe. Ça a toujours été compliqué. A Anvers, tu croises de tout. Des Africains. Des Irakiens. Des Juifs. Les gens s’y sont habitués. A Saint-Nicolas, j’ai longtemps été un étranger. » Sauf dans la petite rue bruyante et colorée où il a grandi et où il vit encore aujourd’hui.

Le sport et la musique vecteurs d’intégration? Depuis qu’il est tout petit, Sylvestre Salumu (ses parents sont originaires de Kinshasa) a deux passions. Le basket et le rap. Son demi-frère, Jean, joue à Ostende et a participé au dernier Euro avec les Belgian Lions. « Je voulais devenir comme lui. Il y a quelques mois, j’évoluais encore dans l’équipe B d’un club de D2: les Sint-Niklase Condors. J’aurais, je pense, pu devenir professionnel, mais j’ai préféré me consacrer au hip hop. »

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Le rap, Woodie tombe dedans en regardant MTV. Il craque très tôt pour Kanye, Biggie, A Tribe Called Quest, Eminem et Lil Wayne… « Je rêvais d’être comme eux. C’est pour ça que j’ai commencé à faire de la musique. »

A huit ans, il écrit déjà des morceaux. Rappe avec ses potes et ses cousins. Il immortalise même une chanson dans le studio de son oncle. « Il se faisait appeler Devalue, Devasta. Un truc du genre. Je ne sais pas s’il baigne encore dans tout ça. » Son accent américain (on s’y croirait), Woodie le doit aussi à la télé. « J’ai regardé un tas de films quand j’étais gosse. Des comédies black notamment, diffusées sur les chaînes flamandes en VO sous-titrée. C’est comme ça que j’ai travaillé mon anglais. Je répétais les dialogues en faisant les mêmes grimaces que les comédiens. »

Crack-house

Vers l’âge de 13 ans, Woodie commence à enregistrer des chansons chez un pote. Il les partage via YouTube et Soundcloud. Les retours sont encourageants. Grâce au rap, il devient même le cool guy de l’école. « Les Odd Future ont été fort importants pour moi. Ils ont tout de suite affiché leur singularité. Je n’essayais pas d’être différent, mais je l’avais toujours été. Ils ont rendu ça cool. Quand je regardais Tyler, The Creator, j’avais l’impression que c’était moi. J’ai été à l’école, mais je détestais ça. Et il te disait Fuck school. Je vais faire ceci. Je veux faire cela. Je vais vivre mes rêves. Ça te marque quand tu es gamin. Les Odd Future n’en ont rien à foutre de rien. Ils font juste ce dont ils ont envie. Ça m’a donné confiance. Tu n’en as pas beaucoup étant gosse. Mais quand tu vois un type faire des choses pareilles, qu’il est jeune et noir, tu as envie d’être comme lui. »

Comme à Los Angeles avec Tyler, c’est toute une petite communauté qui s’est mise à graviter du côté d’Anvers autour de Woodie. « Je me contente d’écrire et de rapper. Les beats tombent de partout. Je les reçois de plein de gens. De Stefano qui vient de Saint-Nicolas comme d’un mec aux Pays-Bas. » Il y a également son cousin Grey et le rappeur K1D (prononcez Kid) qui l’accompagne sur scène. « C’est ma petite famille. Les gens avec qui je passe mes journées. On est une vingtaine. On n’a pas de nom. On parle juste de 91 en référence à notre code postal. » Tous ont participé à la conception de son album Soft Parade. « On l’a enregistré dans le pire studio que tu puisses imaginer. Il ressemblait à une crack-house. C’était sale. Il y avait des rats. Ils ont fermé le building depuis. »

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Woodie qui vient d’ouvrir pour Mobb Deep et The Game aux Pays-Bas partira en mars à l’assaut de South By Southwest. Il a déjà enregistré un paquet de nouvelles chansons. « Elles sont très différentes de Soft Parade. C’est pour les gens qui aiment vraiment la musique. Parce que les gamins, tout ce qu’ils veulent, c’est sauter, danser et faire la fête. Ce sera plus sombre. Beaucoup plus sombre. »

Il a onze morceaux, quasiment un album. Mais préfère parler d’un EP. « Je veux que les gens downloadent ma musique. Qu’ils y aient un accès immédiat et gratuit en cliquant sur leur ordinateur ou leur GSM. Ils n’achètent plus de disques de toute façon. Avec un album, tu dois être en magasins, sur iTunes et Spotify. Je sais que je dois gagner de l’argent, mais je n’ai pas grandi avec tout ça. Je ne les ai même pas sur mon téléphone. »

Le rap en flamand ne lui a jamais rien fait. Le rap français ne lui évoque que ses sorties à Bruxelles. Woodie est un american lover. Curieux, il avoue son intérêt pour les Australiens de Tame Impala, un Cherry Glazerr et un Mac DeMarco… Comme lui, il a les vibes et un sourire gravé au milieu du visage. « Beaucoup de gens m’appellent Will Smith. Je suis comme ça depuis tout petit. J’ai toujours aimé blaguer, faire des trucs un peu débiles. J’espère que c’est communicatif. Je veux m’amuser jusqu’à ma mort. »

LE 13/02 À L’AB CLUB, LE 19/02 AVEC DENZEL CURRY AU CADRAN (LIÈGE).

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