Critique | Musique

Who’s That Man – A Tribute to Conny Plank

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

ELECTRONICA | Un album rend hommage au séminal producteur Conny Plank (1940-1987), accoucheur transgressif de l’après-mai 68 allemand et d’une vague synthétique…

DIVERS, WHO’S THAT MAN-A TRIBUTE TO CONNY PLANK, DISTRIBUÉ PAR V2. ****

Sur la photo improbable de la pochette, Conny Plank, frange de jeune fille et barbe de sapeur, est enserré dans un col-cravate guindé. Le contraste entre l’assaut capillaire et la tenue d’affaires réglementaire, c’est aussi la métaphore d’une vie en dessous du radar médiatique d’un brillant inventeur sonore. Le futur ingé son en tournée de Marlene Dietrich (…), naît en début de Seconde Guerre mondiale dans une petite ville de Rhénanie: sur les troubles historiques concomitants à cette location de départ, on peut sans doute greffer l’amour à venir des rythmiques cassées et des orages magnétiques rompant la tradition, un peu comme si Stockhausen -dont il a été assistant- aimait le Top 50. Cette fonction alors nouvelle de designer sonore, Konrad « Conny » Plank, la rode à la fin des années 60 à Berlin, épicentre névrotique de l’après-68. Une première rencontre d’importance arrive avec la production de l’album de Kluster en 1969: jusqu’à la fin de sa vie, Plank restera lié à l’un de ses membres, Dieter Moebius. Sous différentes configurations, trois morceaux de l’album hommage attestent de l’originalité de ces crachins sonores, expérimentaux sans être étanches aux intentions pop. De lien en lien, de Moebius à Neu! -et son survivant Michael Rother, présent sur la compile-, Plank édifie à l’été 1974 son propre studio au sud de Cologne, et tisse peu à peu un vaste réseau d’artistes dans le même esprit effronté de « nouvelle grande musique allemande ». Aux retentissements forcément internationaux. John Lydon période Public Image est fan à vie. Entre autres, Plank produira rien moins que les quatre premiers et séminaux albums de Kraftwerk, absents de ce disque-ci -on imagine pour des questions de droits.

U2 recalé

En 1982, Plank définissait ainsi son travail au magazine allemand Musikexpress: « Au-delà des aspects techniques, le boulot de producteur, de la façon dont je le comprends, est de créer une atmosphère complètement libérée de la peur et de la réserve, de trouver ce moment absolument naïf « d’innocence ». » Ce qui lui avait permis de dire non à U2 pour la production de The Joshua Tree (« je ne peux pas travailler avec ce chanteur ») ou, pour un album d’Ultravox, de passer un luxueux arrangement orchestral de George Martin à la moulinette de la distorsion. Avant d’être prématurément fauché -comme on dit- par un cancer en décembre 1987, Plank a construit ce qu’il faut bien appeler « une oeuvre », joliment approchée dans cette compile CD ou dans le box plus généreux (1), riche en surprises et en mémoires bouillantes. Une plage d’Eurythmics (Le sinistre) ou un titre de D.A.F. (Alles ist Gut) en sont deux échantillons parmi d’autres, illustrant Plank comme une sorte de Phil Spector du synthé. Pas moins…

(1) LE BOX DE QUATRE CD CONTIENT INÉDITS, REMIX ET UN LIVE DE PLANK & FRIENDS DATÉ DE 1986.

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