Ville et festival, un mariage compliqué

© Philippe Cornet
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Festivals au coeur de la ville, couple obligatoire volontiers compliqué. Approche de l’urbain estival via trois témoignages de Couleur Café, des Francos et des Ardentes.

Couleur Café

Patrick Wallens, directeur de Couleur Café: « Le festival a pu démarrer en 1990 aux Halles de Schaerbeek grâce à une aide financière de la Région bruxelloise qui avait le projet sur l’été de donner à la ville une image plus culturelle et internationale. On était dans l’époque Touche pas à mon pote-SOS Racisme, musiques africaines et world. La collaboration a commencé alors et n’a jamais cessé puisque la Région intervient toujours, par exemple dans les questions de mobilité. » Institutions belges obligent, il y a la Région de Bruxelles-Capitale et puis la Ville de Bruxelles, deux entités distinctes.

Patrick Wallens de Couleur Café.
Patrick Wallens de Couleur Café.© Philippe Cornet

Depuis 23 ans qu’on est à Tour & Taxis, sur son territoire (seule l’entrée de la rue Picard est à Molenbeek), la Ville nous donne l’autorisation d’organiser le festival (…), offre une aide gratuite de la police et nous exonère aussi de 50 000 euros d’impôts, sans sortir directement de cash, explique Patrick Wallens.Elle propose également une petite aide en promo via ses écrans vidéo. On est pour l’instant sur l’espace privé de T&T mais si on déménageait sur un espace public, on pourrait espérer un partenariat plus fort de la part de la Ville. » La période difficile pour Bruxelles à la suite des attentats meurtriers coïncide avec la certitude de devoir déménager du site de Tour & Taxis -peut-être même dès 2017- et questionne la viabilité de ce type de festival aujourd’hui. « Beaucoup de questions se posent sur la nature du futur Couleur Café, sur son emplacement, sa dimension, ses options, l’histoire que le festival veut raconter de 2017 à 2035 (sic), mais après le 22 mars, Bruxelles a très vite réagi en comprenant que ce sont les actes culturels qui vont redonner vie à la ville: Couleur Café est aussi « un pion » dans cette activité et c’est gai d’entendre que l’on possède cette sorte de reconnaissance. « 

Francofolies de Spa

« J’ai commencé à faire de la politique avec l’idée, entre autres, de refaire un festival de chansons à Spa(1), raconte Charles Gardier, codirecteur des Francos avec Jean Steffens. J’étais militant aux Jeunes Libéraux et puis je me suis présenté aux élections, devenant conseiller communal puis échevin. Pour moi, tout cela a une cohérence puisque Spa est la ville qui a lancé le thermalisme moderne, une ville où les gens se rassemblent pour se faire du bien: c’est aussi beaucoup de culture qui passe par le côté « Café de l’Europe ».

Charles Gardier, codirecteur des Francos.
Charles Gardier, codirecteur des Francos.© Philippe Cornet

Aujourd’hui, Charles Gardier, échevin du Thermalisme, de l’Emploi, de la Jeunesse, Santé et Tourisme, est aussi député MR au Parlement wallon: « Spa est aux côtés des Francos et la Ville a réalisé de gros investissements dans ses infrastructures. Au-delà des aides logistiques importantes, les lieux et la mise à disposition du personnel communal, Spa accorde une subvention de 100 000 euros aux Francos chaque année. » Pas tout à fait un geste dénué d’intention économique pour cette entité de 10 500 habitants: « Un rapport établi il y a quelques années a fait mention de retombées directes pour la Ville autour d’une dizaine de millions d’euros. Même si je suis parfaitement conscient des nuisances pour les riverains d’un festival tenu dans le centre-ville -le bruit, la circulation, l’envahissement des festivaliers- et qu’on ne puisse jamais vraiment compenser cela, je crois qu’il y a une prise de conscience des Spadois. Pas seulement pour ceux qui bénéficient des retombées directes, les commerçants par exemple, mais également parce qu’il y a une certaine fierté à dire qu’on vient de Spa, cette merveilleuse petite ville où rôde encore l’ombre de Victor Hugo, Casanova et Pierre le Grand. »

Les Ardentes

Fabrice Lamproye, codirecteur des Ardentes.
Fabrice Lamproye, codirecteur des Ardentes.© Philippe Cornet

« Au début des années 2000, beaucoup de jeunes se plaignaient du manque d’un festival à Liège…, se souvient Fabrice Lamproye, co-directeur avec Gaëtan Servais, des Ardentes. Il y avait eu différentes initiatives dans la région, à Nandrin ou au Pili-Pili de Visée mais, dans la ville même, la dernière initiative datait du début des années 80 avec l’Inside Festival(2). Pour la première fois en une vingtaine d’années, les circonstances semblaient favorables: l’échevin de la culture qui, auparavant, s’intéressait surtout à la peinture, avait changé et puis, je voyais pas mal mon futur partenaire Gaëtan, à la Soundstation que je gérais. On s’était connus pendant nos études et on a décidé de rentrer un dossier à la Ville de Liège: ils nous ont donné 50 000 euros pour la première édition en 2006 -aujourd’hui on en est à 38 000 par an- mais il a fallu fédérer les gens pour faire aboutir le projet, avec beaucoup d’amis et peu de pros. » Une décennie plus tard, Les Ardentes semblent tourner à une belle vitesse de croisière, même si un coup de mou reste toujours possible pour un festival désormais budgété à quatre millions l’édition. « Cela se passe parfaitement bien avec la Ville, qui fournit aussi une série de services, comme les barrières Nadar ou l’enlèvement des déchets, partiellement payants cela dit », se réjouit Fabrice Lamproye. La situation se complique un rien depuis que Liège a décidé de mettre l’emplacement actuel du festival au coeur d’un futur écoquartier: « On pourra sans doute encore faire une édition l’année prochaine, mais il y a une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, donc on cherche un nouveau site pour ne pas être pris de court. On a dû visiter huit ou neuf endroits, dont plusieurs anciens sites industriels. Ce qui nous intéresse, c’est le décor autour des vieilles usines aujourd’hui abandonnées, mais il y a la dépollution des sols, qui est une vraie difficulté et représente un investissement sérieux.« 

(1) LE FESTIVAL INTERNATIONAL DE LA CHANSON FRANÇAISE A EU LIEU À SPA ENTRE 1964 ET 1984.

(2) DEUX ÉDITIONS, EN 1983 ET 1984.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content