Critique | Musique

untitled unmastered., les démos et merveilles de Kendrick Lamar

Kendrick Lamar © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

HIP HOP | Un an exactement après la sortie du déterminant To Pimp a Butterfly, Kendrick Lamar prolonge l’état de grâce, avec une compilation des morceaux inédits.

Parmi les disques sortis en 2015, peu ont osé afficher leur ambition avec autant d’aplomb que To Pimp a Butterfly. A raison. Certains disques sonnent dès la première écoute comme des objets musicaux importants: paru il y a précisément un an d’ici, le deuxième album de Kendrick Lamar faisait partie de ceux-là, épopée hip hop de près de 80 minutes, fracturée, complexe, cherchant dans le jazz et la Great Black Music un souffle inédit. C’était bluffant, mais aussi moins immédiat, laissant certains à quai. TPAB aurait d’ailleurs pu en rester là: le disque audacieux de l’un des rappeurs le(s) plus doué(s) de sa génération. Plus respecté que populaire, Lamar? L’été dernier, son morceau Alright servira pourtant de nouveau chant de ralliement au mouvement Black Lives Matter. Ce n’est pas un hasard. Au cours des mois qui ont suivi la sortie de TPAB, Lamar passera son temps à nourrir la conversation et à légitimer sa démarche. Hormis une mini-tournée un peu trop vite expédiée (le passage aux Ardentes), le rappeur aura ainsi multiplié les coups d’éclat. Disque mono-single (le seul King Kunta), TPAB bénéficiera par exemple de plusieurs clips, toujours soignés. Surtout, dès qu’il passera à la télévision, Lamar en profitera pour livrer des prestations tendues, toujours habitées. A au moins deux reprises, il en profitera même pour lâcher des titres jamais entendus. Ces inédits, on les retrouve sur untitled unmastered, lâché la semaine dernière. Autant TPAB affichait haut et fort son importance, autant ce nouveau disque joue profil bas. Que cela soit par son titre ou celui de ses morceaux (simplement numérotés de 1 à 8, accompagnés de la date à laquelle ils ont été enregistrés), sa pochette ou même sa durée (à peine 34 minutes): tout indique que l’album n’est pas destiné à avoir la même importance que son prédécesseur. Même la manière de le publier le démontre: en balançant untitled unmastered par surprise, Lamar a autant créé l’événement qu’il a cherché paradoxalement à relativiser l’impact de cette sortie.

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Untitled unmastered n’est en effet pas à proprement parler la suite de TPAB, mais bien son prolongement. Un addendum, compilant des démos enregistrées pendant les sessions de TPAB. On y retrouve donc les mêmes effusions jazz, le même élan politico-spirituel. Ce qui échappe en revanche ici, c’est l’intensité des prestations télé: untitled 03 | 05.28.2013 (vu chez Colbert) ou untitled 08 | 09.06.2014 (chez Fallon) n’arrivent pas à surpasser le souvenir que l’on a gardé de leur vision sur YouTube. Ailleurs, avec untitled 07 | 2014 – 2016, Lamar rassemble en un seul track des tentatives inabouties, laissant même écouter des discussions de studio. A cet égard, il est évidemment tentant de faire le parallèle avec le dernier album de Kanye West, The Life of Pablo, qui semble lui aussi par moments tenir du work in progress.

Il convient ainsi de prendre cet untitled unmastered pour ce qu’il est: le témoignage d’un processus créatif. Venant de Kendrick Lamar, cela suffit cependant à livrer une matière passionnante. Le disque dépasse ainsi la simple collection d’ébauches. Coup d’oeil dans les coulisses de TPAB, il contribue même un peu plus à la légitimité de ce dernier.

DISTRIBUÉ PAR TDE/UNIVERSAL.

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