Critique | Musique

Toro Y Moi – Anything in Return

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

POP | Un groove à la fois mélancolique et moite, de la pop de chambre sentimentale… Sur son 3e album, Toro Y Moi fait à nouveau des merveilles.

TORO Y MOI, ANYTHING IN RETURN, DISTRIBUÉ PAR CARPARK. ***

On débute à peine l’année qu’on la tient peut-être déjà: la pochette (si ce mot existe encore) la plus affreuse de 2013. Heureusement, on ne se fie pas aux apparences. Ni aux étiquettes d’ailleurs. Comme celle de la chillwave, que l’on a collée dès le départ à Toro Y Moi, alias Chazwick Bundick (1986).

Fin des années 2000, elle a pu servir. Sorte de réponse à l’électro tabassante, la chillwave présente depuis le départ une musique électronique aux teintes plus pastel. Plus autiste aussi: à l’instar de la dream pop, elle a souvent été associée à des musiciens solitaires, geeks enfermés dans leur chambre pour composer un groove baignant dans un léger spleen, aux couleurs house passées. Symptomatique d’une génération hyperconnectée et donc hyperinformée, la chillwave pratique également l’art de la citation, tout en revendiquant une réelle sincérité de la démarche. A peu de choses près, la musique de Toro Y Moi a toujours répondu à ce cahier des charges. Tout en réussissant malgré tout à ce que l’étiquette ne devienne pas trop encombrante.

R’n’B lunaire

A bien des égards, le 3e album de Toro Y Moi rend cette affiliation chillwave sinon caduque, en tout cas plus du tout aussi décisive. C’est la bonne nouvelle d’Anything in Return: Toro Y Moi n’a plus besoin de ça pour avancer. Non pas que l’Américain (d’origine philippine) se soit réellement éloigné de sa matrice de départ. Ceux qui auront goûté aux deux premiers essais du bonhomme ne seront pas spécialement déstabilisés. On retrouve cet étrange sens du groove lunatique, une moiteur languide et sentimentale. Toro Y Moi a cependant affiné sa formule. Décomplexé, il a pondu un disque épais, mille-feuilles un poil trop chargé (treize titres, au moins deux en trop), mais goûtu et en réalité assez addictif.

Harm In Change ouvre ainsi le disque de manière chatoyante. Avec son beat house appuyé et son motif de piano hi-nrj, c’est aussi un de ses morceaux les plus directement dansants. So Many Details tient davantage de la ballade r’n’b lunaire. Toro Y Moi pratique ce genre d’exercice à plusieurs reprises, parfois sur le fil (les réminiscences mélodiques eighties de Cake), mais sans jamais tomber dans le mielleux. Sur Studies, l’un des morceaux les plus réussis de l’album, le groove prend par exemple racine dans une soul-folk très sixties à la Shuggie Otis.

Fondamentalement, Anything in Return n’est pas un disque spectaculaire. Mélange de groove house et d’instantanéité pop, d’hédonisme disco et de romantisme soul, il se passe de single évident. Il n’en dégage pas moins une chaleur qui n’est pas synonyme de tiédeur, distillée à coups d’arrangements souvent complexes. Un peu comme la bande-son d’une nuit moite, en bord de plage. En plein hiver, on aurait tort de s’en priver.

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