Tom Barman: « Ce qui est dedans doit sortir »

Tom Barman, ici sur scène avec Magnus aux Lokerse Feesten le 1er août 2014. © BELGA/Nicolas Maeterlinck

Le chanteur vient de fêter les vingt ans de son groupe dEUS, tout en multipliant les projets parallèles. Il récite notamment les lettres de Van Gogh à son frère Théo dans le documentaire Le choix de peindre, du réalisateur Henri de Gerlache, diffusé ce 24 janvier sur la RTBF. Dans un long entretien au Vif/L’Express, Tom Barman confie les tourments de son esprit créateur à l’heure où le monde s’embrase.

A vos yeux, Van Gogh est un monstre sacré?

Tom Barman: Pas du tout. J’ai appris à travers ce documentaire qu’il aimait vraiment les gens, qu’il était très humain. Cela se voit dans son comportement, un peu hystérique au début parce qu’il vient d’un milieu très confortable et qu’il part dans le sens complètement opposé. Il avait le coeur ouvert et l’esprit aventurier. Cette période est sans doute la plus importante de sa vie, celle au cours de laquelle il se découvre une voix, une mission. C’est quelqu’un qui vous touche, que l’on peut comprendre. Avant ce travail Van Gogh était peut-être un monstre sacré en raison de tous les clichés romantiques, de son oreille coupée à son suicide en passant par ses peintures vendues pour des millions d’euros aujourd’hui alors qu’on ne les achetait même pas pour deux sous à l’époque… Dans le Borinage, c’est simplement un jeune homme à la recherche de sens, comme il y en a des milliers.

Le récit se passe dans le Borinage, une région dévastée. Vous la connaissiez bien?

Je la connaissais de réputation mais aussi à travers certains personnages, des accidents miniers, des films d’Henri Storck; de façon superficielle, en fait. Cette région a connu une histoire pour le moins très perturbée, un peu comme le Limbourg. Le paradoxe de Van Gogh, c’est qu’il s’est plongé dans cette zone en noir et blanc pour en sortir plein de révolte et devenir le peintre des couleurs. Dans une de ses lettres, il y a cette très belle phrase: « Ce qui est dedans doit sortir. » Je me retrouve pleinement dans ces mots.

Cherchez-vous aussi de la matière pour exorciser les souffrances?

En réalisant un travail personnel, vous partez à la découverte d’un monde de sentiments éternel, lié au fait que nous sommes nous, humains, plein de paradoxes. Confrontés à l’univers extérieur, cela donne un feu d’artifice. Van Gogh cherchait un contexte extrême pour faire ressortir l’animal au fond de lui. Moi aussi.

En ce moment, nous sommes servis en termes de « contexte extrême »…

Oui, un peu trop. A l’époque de Van Gogh, on savait à peine ce que ce qui se passait dans le village d’à côté. Aujourd’hui, nous sommes inondés de problèmes qui se vivent partout. Il faut transformer ces énergies-là, positives ou négatives, parce que si vous parlez littéralement d’une guerre par-ci, d’un conflit par-là, vous plongez dans de l’eau un peu trouble, vous risquez de rester anecdotique. Dans les années 1960, plein d’artistes l’ont fait, mais on les a oubliés assez vite. Cette transformation est importante si l’on veut que quelque chose survive. Comme disait Picasso: « Je ne peins pas un arbre, mais l’idée d’un arbre. » Dans l’époque que l’on vit, il y a tellement de facteurs… J’étais en pleine écriture de mon nouveau film quand, soudain, le massacre de Charlie Hebdo à Paris est survenu. Face à ça, il y a plusieurs façons de réagir. Je pourrais me décourager: je suis en train d’écrire, le monde est en feu, mais je suis là avec mon petit film de merde… Ou je pourrais me dire qu’il faut à tout prix mettre quelque chose de cette actualité dedans: c’est parfois une bonne idée, pas toujours, mais moi, je ne suis pas du genre à parler toujours de ce qui se passe dans le monde. La transformation dont je parlais, c’est précisément de parler plus fondamentalement de cette douleur qui existera de tous temps, comme l’amour, la colère… C’est important de prendre cette distance. Il y a bien sûr des événements à ce point gigantesques qu’il est difficile de les ignorer, parce qu’ils mettent tout le reste dans l’ombre, comme ce fut le cas du 11 Septembre à New York. Là, il faut en parler… C’est un déclic qui doit se faire.

L’intégralité de l’entretien dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec:

  • Retour sur la tournée 0110 et les concerts contre l’extrême-droite flamande
  • « Mon prochain film sera kaléidoscopique, avec de nombreux personnages »
  • « La Belgique n’a pas une bonne réputation sur la façon dont elle traite ses artistes »
  • « Il n’y a qu’une petite minorité de séparatistes en Flandre »

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