Terry Callier, a love supreme

© REUTERS/ARC/Dominique Favre
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Le chanteur soul-folk Terry Callier est décédé ce 28 octobre, à l’âge de 67 ans. Retour sur la trajectoire bousculée d’une voix belle à pleurer.

C’est la faute à pas de chance. À moins que ce ne soit un coup de plus de ces bons vieux clichés. Un Noir qui fait du folk, guitare acoustique en bandoulière. Même dans les années 60, cela n’a jamais été très vendeur, trop à côté des étiquettes officielles. Faut-il y voir la raison de sa carrière en dents de scie?

Décédé hier à son domicile, Terry Callier a connu une trajectoire musicale alambiquée. Mais pas moins marquante. On n’est en effet pas près d’oublier sa voix, stellaire, ses reprises en apesanteur sur The New Folk Sound of Terry Callier. Un premier album sorti en 68… 3 ans après sa conception. Déjà une question de mauvais timing et de rendez-vous manqués…

Terry Callier naît le 24 mai 1945, à Chicago. La ville du blues. Après avoir traîné dans des groupes de doowop, c’est d’ailleurs sur le fameux label Chess qu’il rejoint, alors âgé de 17 ans, les Howlin’ Wolf et autres Muddy Waters. Son premier 45 tours, Look At Me Now, est un succès, et on lui propose de partir en tournée avec Etta James et Muddy Waters. Mais la mère Callier intervient: son gamin est encore trop jeune pour prendre la route… Il découvre alors le folk, Dylan, etc. Au même moment, il assiste à un concert de John Coltrane qui le subjugue complètement. Quand Terry Callier enregistre son New Folk Sound, recourant aux service de deux bassistes, l’idiome est bien folk. Mais il lui donne la dimension spirituelle, voire mystique, présente dans les derniers albums de Coltrane. On est en 1965. Le producteur du disque, Samuel Charters, contemporain de l’ethnomusicologue Alan Lomax, se retire alors dans le désert mexicain, emportant les bandes avec lui – pendant trois ans, il séjournera dans l’État du Sonora, pour vivre parmi les Indiens Yakis.

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Les choses de la vie

Entre-temps, Callier passe à autre chose, écrit dans l’ombre pour des artistes de Chess. En 1968, il reçoit un coup de fil de son frère, qui vient de tomber sur The New Folk Sound of Terry Callier dans les rayons d’un disquaire, publié finalement sur Prestige. Signé finalement sur le label Cadet, Terry Callier sortira trois albums en 3 ans, entre 72 et 74: Occasional Rain, le miraculeux What Color Is Love, et and I Just Can’t Help Myself. Il s’y balade entre soul, folk et jazz, hors de toutes conventions. En 96, il racontait au Sun Times: « Je viens d’une tradition ancienne qui pense que vous avez davantage à faire que chanter une chanson devant un public, que vous devez faire ressentir des choses aux gens. Vous pouvez enregistrer une musique accessible et chanter malgré tout sur l’amour, la paix, la vérité, la vie, la mort. Au bout du compte, ce sont les seules choses qui importent. »

Ses disques se vendent cependant mal, et il est bientôt largué par Cadet. Callier s’accroche malgré tout. Mais au début des années 80, le succès le boude toujours. Il reçoit la garde de sa fille, âgée de 12 ans. Il décide alors de tout larguer pour trouver un job plus stable à l’Université de Chicago, s’inscrivant à des cours d’informatique avant d’entamer des études de sociologie…

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Second life

Le renouveau viendra d’Angleterre. Dès le début des années 90, la vague acid jazz relance l’intérêt pour la musique de Callier. Le groupe Urban Species sample par exemple son morceau You Goin’ Miss Your Candyman. En 91, l’Anglais Eddie Piller, patron du label Acid Jazz monté avec Gilles Peterson, contacte également Callier pour ressortir une série d’anciens titres. En 97, c’est la folkeuse Beth Orton qui lui redonne un coup de projecteur en l’invitant sur son EP Best Bit. Dans la foulée, Callier enregistrera pour Verve son premier disque depuis 20 ans, Timepeace. L’album recevra un prix des Nations unies et lui remettra définitivement le pied à l’étrier. Un peu contraint et forcé? Quand l’Université apprend sa double vie, Callier reçoit en effet son C4. En 2004, il expliquait ainsi au Guardian: « Après tout ce qui s’est passé, je ne cherchais à redevenir musicien parce que j’ai été habitué à devoir signer des chèques tous les 15 jours. J’ai été inspiré par Billie Holiday et Miles Davis, et je pense qu’Hank Williams était un génie, mais ces gens n’auraient jamais rien fait d’autre que de la musique et vivre cette vie. Je ne suis pas comme ça. Si je n’avais pas perdu mon job, je ne serais pas ici. »

Terry Callier reprendra donc la route, toujours entre les États-Unis et l’Europe, où il trouvera une reconnaissance toujours plus importante. Il sortira un ultime album en 2009, Hidden Conversations, réalisé avec Massive Attack. Début d’année, le jeune Michael Kiwanuka remportait le prix de la BBC Sound of 2012, avec un premier album qui doit beaucoup, énormément même, au son de Terry Callier.

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Au final, la modestie et l’humilité n’ont peut-être jamais fait les tubes. Par contre, l’influence de Terry Callier n’est pas près de s’éteindre…

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