Tamino, nouveau prodige de la scène rock du nord du pays

Tamino © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

À l’affiche du Pukkelpop, ce jeune Anversois est la hype du moment. Rencontre.

C’est un peu la sensation flamande de ces derniers mois. Tamino a à peine sorti un EP 5 titres, en mai dernier, qu’il se retrouve déjà à truster tous les grands podiums de l’été. En juillet, il a ainsi été programmé sur la scène de Rock Werchter, avant de se glisser la semaine prochaine dans l’affiche du Pukkelpop, à Hasselt. Pas mal pour un artiste encore inconnu il y a moins d’un an. Quand on le retrouve dans le patio de la RTBF radio, il vient tout juste de subjuguer Jérôme Colin et toute l’équipe d’Entrez sans frapper, sur la Première, en livrant une version live de son titre Habibi. C’est son arme secrète: seul à la guitare, il glisse son falsetto dans une ballade décharnée qui prend presque des airs de prière. Bluffant.

Boucles romantiques et prénom d’opéra (le héros de La Flûte enchantée de Mozart), Tamino-Amir Moharam Fouad est né en 1996, d’une mère belge et d’un père égyptien -son grand-père est le grand chanteur Moharam Fouad, surnommé dans les années 50 « la voix du Nil ». En Flandre, après un premier passage remarqué à la radio (lors d’une session avec le groupe Zesde Metaal, sur Radio 1), c’est surtout le concours De Nieuwe Lichting qui l’a mis dans la lumière. En février, il était l’un des trois lauréats du tremplin organisé par la toute-puissante Studio Brussel. Difficile d’imaginer meilleure rampe de lancement pour un artiste au nord du pays…

Less is more

À 21 ans, c’est la première véritable expérience solo de Tamino. « Avant ça, j’ai fait partie de plusieurs groupes. Mais rien de très brillant (rires). Pour l’essentiel, on faisait dans le punk-rock boutonneux. » À l’époque, il compose déjà dans son coin ses propres morceaux. « Mais je n’osais pas les faire écouter. Personne n’était au courant. Je pensais qu’ils ne comprendraient pas. » Ses chansons n’ont en effet pas grand-chose à voir avec les décharges ados balancées alors entre potes. Elles sont plus lentes, plus posées, plus poétiques. Elles dégagent déjà une certaine mélancolie, un vague à l’âme diffus. D’où viennent-ils? « C’est toujours la question de l’oeuf ou la poule: à l’école, par exemple, m’emmerdait-on parce que j’étais lunaire? Ou l’inverse: est-ce parce qu’on me tombait dessus que j’ai développé cette mélancolie? » L’adolescence a visiblement laissé des traces. Aussi parce qu’il a eu droit à des remarques racistes? « Non, je ne peux pas dire que j’en ai vraiment souffert. Si on m’emmerdait à l’école, c’est davantage parce que j’avais les cheveux longs (rires). »

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À la fin des secondaires, il décide de quitter Anvers pour s’inscrire au conservatoire d’Amsterdam. « Ça n’a pas été évident. Sur place, j’ai mis du temps à trouver mes marques. Et puis, la mentalité néerlandaise est quand même très différente, plus directe, plus dure. Mais ça m’a appris plein de choses. Aujourd’hui, je m’affirme plus facilement, je sais ce que je veux. » Il travaillera notamment avec René van Barneveld, ancien guitariste du groupe Urban Dance Squad, groupe rap fusion hollandais qui a connu son heure de gloire internationale dans les années 90, sorte de cousin batave des Red Hot Chili Peppers. « C’est devenu en quelque sorte mon mentor. Il m’a apporté énormément de choses. Officiellement, c’était mon prof de guitare. Mais parfois, j’arrivais au cours et je touchais à peine mon instrument. À la place, on discutait, échangeait plein de choses sur la musique, sur le fait d’être un artiste. »

En janvier dernier, après deux ans et demi, le jeune Anversois a décidé d’arrêter complètement les cours et de se consacrer à sa carrière naissante. Son professeur n’a pas essayé de l’en dissuader. « Il trouvait ça dommage pour lui, pour l’école. Mais il comprenait. À ma place, il aurait aussi foncé. » D’ailleurs c’est van Barneveld lui-même qui a mis Tamino en contact avec Tom Pintens. Le musicien flamand est bien connu: avant de filer en solo, Pintens a été l’un des piliers du groupe Zita Swoon. C’est avec lui que Tamino va dessiner les contours de sa musique actuelle et enregistrer les morceaux de son EP. « On a pas mal cherché avant de trouver la bonne formule. En gros, on a fini par se dire que le plus important devait rester la voix et la guitare. Tout le reste autour devait être très subtil. Du coup, on a consacré beaucoup de temps à ajouter, puis retirer des choses aux morceaux. » En cinq titres, Tamino dessine la carte d’un rock habité, à la maturité déjà impressionnante. Lyrique aussi, comme pouvait l’être la musique de son grand-père? « Quand j’ai eu trois ans, mes parents se sont séparés. Mais comme ma mère adorait cette musique, elle a continué à passer souvent ses disques. Du coup, je crois que je l’ai toujours écouté, aussi loin que je m’en souvienne. Même si je ne parle pas arabe, je voulais comprendre cette partie-là de moi.« 

Tamino
Tamino© RAMY MOHARAM FOUAD

Un nom revient souvent quand on parle de la musique de Tamino: Jeff Buckley. On sait ce que la comparaison peut avoir de lourd et pesant (demandez à Jasper Steverlinck, le chanteur d’Arid). Chez Tamino, elle est non seulement vocale, musicale mais aussi visuelle. Il explique qu’avant même d’avoir écouté la musique de l’auteur de Grace, mort noyé dans le Mississippi il y a 20 ans cette année, les gens lui glissaient la référence. « Est-ce que c’est gênant? Non, certainement pas, mais j’ai tellement d’autres influences. De Nick Cave à Leonard Cohen, de James Blake à Rabih Abou-Khalil, le joueur d’oud libanais qui représente vraiment une grosse inspiration pour moi. » S’il réussit à digérer toutes ces influences, on ne se fait pas trop d’inquiétude pour l’avenir de Tamino…

• Tamino, Tamino EP, distr. Unday/NEWS.

• En concert le 18/08 au Pukkelpop à Hasselt et le 11/10 à l’Ancienne Belgique à Bruxelles.

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