Stromae en Champion’s League

© Noah Dodson
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Avant l’AB en décembre, Stromae était en concert intimiste mardi soir, à Anvers, au Club 69 de la radio flamande Studio Brussel. L’occasion de se faire une idée sur la méga tournée qui s’annonce. Premier verdict: bluffant!

Stromae donc. Encore et toujours. Vous en avez bouffé, jusqu’à plus faim, jusqu’à plus soif? Alors, respirez un grand coup: c’est loin d’être fini. Meilleure vente de l’année en France (devant Daft Punk!), Paul Van Haver et son équipe s’apprêtent à partir en tournée. Des « petites » salles d’abord, avant d’enchaîner avec le tour des Zénith et autres Forest National. Mardi soir, invité par la VRT à Anvers, à participer au late show télé Café Corsari, avant d’enchaîner avec un concert pour la radio Studio Brussel, Stromae a annoncé la couleur: fun, divertissant et malin. Vibrant aussi et touchant, et dont la seule surprise était qu’il n’y en avait finalement pas: oui, Stromae est bien ce mec hyperdoué, entertainer inventif qui arrive, parfois par des petits détails, à créer un moment, un décalage, qui empêche de confondre format et formule. On ne voudrait pas en rajouter dans l’hyperbole – la seule figure que semble connaître Stromae depuis 6 mois: l’intéressé n’est pas Rimbaud, ni Baudelaire. Pas davantage Brel ou Brassens. Cela n’empêche pas les fulgurances, et donc le talent. Voire le génie, assez unique aujourd’hui, qui consiste à concilier musique populaire et exigences artistiques.

La scène donc. Dès son premier album, Cheese, Stromae avait déjà tenu à mettre en place une vraie tournée. Non pas en enchaînant les play-back et les cachets faciles dans le circuit des boîtes, comme aurait pu le pousser son statut de one-hit wonder de l’époque (Alors, on danse). Mais déjà en mettant en place tout un spectacle et une scénographie – testés notamment aux Transmusicales de Rennes, festival rock pour le moins pointu et alternatif.

Rebelote avec la tournée qui s’annonce. Mardi soir, à la Zuidpershuis d’Anvers, Stromae a mis en effet les formes. On aurait pu s’attendre à une setlist limitée, pour ce qui restait un concert-show case intimiste – on ne doute pas que la production va en effet prendre encore du coffre (des écrans seront notamment ajoutés). Mais même pour une prestation prévue pour être diffusée en radio, Stromae en met… plein la vue. Notamment avec un light-show souvent aussi simple qu’ultra-efficace. Sur Bâtard notamment, en début de concert, le morceau est entièrement découpé et rythmé par les mouvements des projecteurs. Et c’est éblouissant. Juste avant, Stromae avait lancé l’affaire avec son dernier single, Tous les mêmes. « Deze keer is de laatste keer », glisse-t-il en clin d’oeil pour un show à la belgitude non seulement subtilement assumée (ses trois musiciens à chapeau melon « magrittien », en poses Telex derrière leurs machines), mais revendiquée: « En France, je dois toujours expliquer ce qu’est un sandwich mitraillette », glisse-t-il avant Moules Frites et ses « yoyoyo » imbibés.

Sur la tournée précédente, la mise en scène avait parfois fini par rendre les concerts un poil rigides, voire désincarnés. Mardi soir, au contraire, Stromae ne s’est jamais laissé (trop) coincer par la trame prévue. Et de découvrir alors un showman naturel. Ce qu’il fait notamment avec son corps, cette longue tige dégingandée, est troublant: il faut le voir se tortiller, en ombre chinoise, sur le troublant Quand c’est?, ou simplement exploser sur sa tentative trap Humain à l’eau. Ce qu’il fait de sa voix est également étonnant. Issu du hip hop, Stromae ne s’est jamais contenté de rapper. Mais hier soir, son chant a encore pris de nouvelles couleurs, facile et versatile, changeant de registre comme si de rien n’était. Même posé, comme sur Ave Cesaria, introduit par un ukulele, et qu’il chante attablé, une bouteille de rhum à la main, il arrive à emballer son monde.

Restent les tubes taille XXL. Tout le monde les connaît par coeur? Parfait. Stromae en profite pour légèrement les revisiter. Du coup, même une scie comme Formidable, entendu jusqu’à l’écoeurement, retrouve de l’intensité. À la fin, dans la grande tradition des revues soul à la James Brown, Stromae fait même mine de s’écrouler, obligeant le camarade Simon le Saint à quitter quelques instants ses batteries électroniques pour ramener le patron titubant en coulisses. De son côté, Alors on danse se voit greffer un medley eurodance nineties, de Crystal Waters (Gypsy Woman) à Snap en passant par Faithless: dans le mille. Enfin, après avoir épuisé la quasi-intégralité du nouvel album, Stromae conclut avec Papaoutai. Là aussi, le morceau est connu, mais a la bonne idée de filer et digresser façon rumba congolaise. Aussi festif qu’euphorisant.

Certes, deux, trois détails sont encore à régler et roder. Mais déjà, le Stromae show fait des étincelles. Après le concert, on entendait un patron de label/organisateur de festival indé s’exclamer: « Stromae, c’est carrément la Champion’s League. » Du vrai football champagne en effet…

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