Spit’N’Split: « Je n’avais de limites que celles des Tropics et ils sont plutôt bons clients »

Jérôme Vandewattyne (à droite), les Tropics et leur ingé son souffre-douleur. © Olivier Donnet
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Le 1er mai, l’Experimental Tropic Blues Band fêtera à Lessines la sortie de Spit’N’Split, B.O. cinglée d’un film décadent et barjot dont il est le héros.

« Mes parents ont vu le film sur BeTV lundi. Mon père a adoré mais ma mère, secouée, a passé toute la journée à m’appeler. » À l’autre bout du fil, le chanteur et guitariste Jérémy Alonzi alias Dirty Coq se marre. Croisement entre Dig!, C’est arrivé près de chez vous et Une nuit en enfer, jouant avec la vérité pour mieux construire sa folle fiction, Spit’N’Split (on vous laisse découvrir le clin d’oeil dans le dictionnaire urbain) a fait son petit effet au Festival du Film Fantastique. Et aujourd’hui, l’Experimental Tropic Blues Band sort son nouvel album. Sa bande originale. « Au départ, je voulais juste utiliser un morceau des Tropics pour un court métrage, retrace le réalisateur de l’ovni Jérôme Vandewattyne, qui avait bossé sur leur projet The Belgians via la Film Fabrique. Mais comme ça aurait coûté un os en Sabam, ils ont proposé de composer de la musique spécialement pour moi. L’idée a rapidement évolué et ils m’ont invité à partir en tournée avec eux et ma caméra, histoire de prendre la température. On ne savait pas trop si on partirait sur un docu, un clip, un court… Mais j’ai très vite capté le potentiel d’acteurs qui sommeillait en eux. On s’est donc mis en tête de travailler à la fois sur un film et un album. De jouer sur la solitude, l’isolement, de relier des thèmes qui me sont chers. »

Les Tropics, Vandewattyne les a suivis pendant deux ans sur les routes. Une dizaine de tournées de quinze jours… « Jérôme s’est servi de la réalité pour bâtir une fiction, explique Dirty Coq. Une métaphore sur l’amour d’une certaine façon. Parce que ce film pourrait tout aussi bien raconter la descente aux enfers d’un couple. Au fur et à mesure, on s’est sentis de plus en plus à l’aise face à la caméra et il s’est mis à nous donner des indications. Il me demandait souvent de péter les plombs. Comme ce jour en Sardaigne où j’ai chanté comme un fou en italien et mis des claques dans la gueule de notre ingé son… Après j’étais dans mes petits souliers mais Jérôme sait nourrir la bête. »

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Spit’N’Split, le film, s’est écrit au fil de la tournée. En fonction des événements. Influencé par Werner Herzog, le Punishment Park de Peter Watkins, Jodorowsky, Kenneth Anger, les films libres des années 70 ou encore le boulot d’Hunter S. Thompson, Vandewattyne a intelligemment construit son récit… « L’idée, c’était vraiment de commencer comme un documentaire et de basculer dans autre chose. Je n’avais de limites que celles des Tropics et ils sont plutôt bons clients. Parfois, je me suis même demandé qui manipulait l’autre… » « Il m’a dit un jour: ce serait super si tu pouvais renverser une table pendant que vous bouffez avec les organisateurs, confie Dirty Coq. Il proposait que je gueule sur le reste du groupe et que je revienne au dernier moment pour le concert. On n’a jamais été jusque-là. On n’est pas des acteurs. Mais on digérait ce qu’il nous demandait et à un moment on le lui offrait. Comme un cadeau. » Un cadeau aux allures cathartiques. « J’ai vécu ce film comme un exorcisme des réflexions que je me fais parfois au sujet du groupe et j’ai accentué certains traits pour le personnage, poursuit le guitariste Boogie Snake, Jean-Jacques Thomsin. Jérôme et Jérémy se sont quand même retrouvés chez un travelo, Suzette, qui leur a fait un show privé. Elle lui disait: vas-y mon bel Italien, mets-toi à l’aise… Perso, Spit’N’Split, ça me fait penser à du Lars von Trier…« 

Les fous du labo

Après le tournage du film, pimenté de quelques scènes plus fictionnelles, les Tropics en ont donc composé la musique. Une bande originale elle aussi étrange, cinglée, déglinguée. Dirty Coq raconte. « On aime bien les concepts complets et on ne pensait pas encore trop à notre nouvel album. À la fin d’un concert guindé pour un vernissage d’expo, j’ai demandé si quelqu’un avait une maison à nous prêter. On s’est retrouvé à Nandrin dans une villa de luxe avec des tableaux partout. »

Les Liégeois y entrent sans même un riff de guitare. Le réalisateur leur file quelques pistes. « On était comme dans un labo. Il y avait vraiment beaucoup d’impro. Il nous disait: je voudrais un truc expé, de la musique de secte, un peu de techno. Une ambiance de road-movie ou un bazar plus atmosphérique. » « J’ai écouté pas mal de musique de films, ponctue le batteur David d’Inverno. Des trucs de Morricone ou la BO d’Apocalypse Now que j’ai trouvée sur une brocante et dans laquelle tu entends des dialogues. » « L’idée des conversations, pour moi, c’est plus Tarantino. Mais j’ai aussi écouté beaucoup de musique africaine. Fela Kuti, William Onyeabor… C’est de là que vient un morceau comme Too Bad. » Spit’N’Split devrait changer le regard sur les Tropics… « Moi, j’ai régurgité de vieilles influences ciné, conclut Boogie Snake. Notamment celle d’un Angelo Badalamenti. Ce disque va au-delà du groupe. C’est la synthèse de tout ce qu’on écoute. On ne mange pas garage et je n’ai pas des photos de pin-up sur les murs de mon salon. »

Spit’N’Split, distribué par Jaune Orange/Pias. ***(*)

Spit'N'Split:

Roots, bloody roots

Lessines est depuis quelques années devenu le meilleur endroit où s’en aller fêter les travailleurs et le 1er mai. Une scène pour les musiques flirtant avec le folk, l’acoustique et la tradition. Une deuxième pour célébrer l’énergie, la fougue et l’électricité. Outre l’Experimental Tropic Blues Band, le Roots & Roses, huitième du nom, accueillera les légendaires Sonics, leurs rejetons new-yorkais The Fuzztones, les Danois de Powersolo (jadis backing band de Jon Spencer), l’anachronique Pokey LaFarge et le blues/rockabilly des Paladins. Un rendez-vous sympa où on peut bouffer (et bien) japonais, mexicain et indien de l’île Maurice… Back to the Roots.

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