Critique | Musique

Speech Debelle – Freedom of Speech

HIP HOP | Après avoir frôlé la sortie de route, Speech Debelle revient avec un 2è album. Moins spectaculaire, plus accessible, il confirme cependant une personnalité à part.

SPEECH DEBELLE, FREEDOM OF SPEECH, DISTRIBUÉ PAR BIG DADA. ***

Ecouter l’album sur Spotify.

Les voies du succès sont impénétrables. En 2009, Speech Debelle (alias Corynne Elliot, Londres, 1983) sortait son premier album. Speech Therapy portait bien son nom: la jeune femme y décrivait notamment ses années de galère. Un père absent, une rébellion adolescente qui s’enflamme: à 18 ans, Debelle traçait sa route, errant d’hôtels miteux en chambres d’amis pour dépanner momentanément. Raconté sur une trame largement acoustique, le récit de Speech Therapy tranchait avec la scène rap anglaise habituelle. Le flow surtout, et la voix juvénile de Debelle marquaient les esprits, entre confession intime et rage sous-tendue. La presse ne tarda pas à s’emballer, certains la présentant comme une sorte de Tracy Chapman hip hop.

Tous les signaux étaient donc au vert. Mieux: Speech Therapy finit par remporter le prestigieux Mercury Prize, devant des candidats aussi sérieux que Florence & The Machine ou The Horrors. Alternative aux Brit Awards, les Victoires de la musique britanniques, le Mercury Prize joua alors parfaitement son rôle: récompenser l’un des meilleurs albums anglais de l’année, tout en lui donnant un coup de pouce pour le sortir de l’ornière indie et lui faire rencontrer plus facilement le grand public. Las, ce ne fut jamais le cas de Speech Therapy. Le coup de projecteur n’eut que peu d’effet. L’album fut même celui qui se vendit le moins de l’histoire du Mercury. Debelle, elle-même, semblait perdre pied, foirant ses concerts et blâmant sa maison de disques pour n’avoir pas su concrétiser l' »effet » Mercury Prize.

London’s burning

Trois ans plus tard, Speech Debelle est pourtant de retour. Entre-temps, la rappeuse s’est réconciliée avec son label, Big Dada. Une bonne idée: la filiale de Ninja Tune reste sans doute encore et toujours la meilleure option pour elle, le meilleur endroit pour combiner à la fois ses confessions rap intimistes et ses envies de succès.

Le son de Freedom of Speech est ainsi plus rond, plus chaud. Le résultat peut paraître moins personnel, mais il gagne en ampleur. Les lignes se font aussi plus mélodieuses. Eg White (co-auteur du Chasing Pavements d’Adele) est notamment venu ajouter sa patte sur I’m With It, le titre rappelant les sorties les plus pop d’un Mike Skinner (The Streets). En ouverture, Studio Backpack Rap assume lui un côté funk plus direct. Mais, produit par Kwes (Dels, The xx…), Freedom of Speech confirme d’abord et avant tout la capacité de Debelle à chroniquer les agitations de la société anglaise. Le titre emblématique de l’album, l’un de ses plus réussis aussi, était déjà apparu l’été dernier: sur Blaze Up a Fire, la rappeuse est rejointe par Roots Manuva et Realism pour donner son point de vue sur les émeutes qui ont mis le feu à Londres, l’an dernier. Avec sa voix toujours aussi juvénile, elle se place du côté des incendiaires, justifiant la révolte par l’hypocrisie insupportable du pouvoir, là où la plupart se sont contentés de condamner une poussée de violence gratuite. Un discours qui a finalement été peu entendu de ce côté-là de la Manche. Ainsi, même si Freedom of Speech n’est pas aussi tranchant que son prédécesseur, il prouve que la rage de Debelle reste intacte.

Laurent Hoebrechts

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