Sortie de route # 21: Mon samedi mythomane (ou pas)

Mythomanie? Don d’ubiquité? Soit notre chroniqueur a été partout cette semaine, soit nulle part, ou presque. Il est, en tous les cas, bel et bien sorti de route.

Soirée Bulex.

Dans la file devant la Bodega, c’est le défilé des vieilles tronches. Entre Autoworld et La Minque, du old timer et de la limande plus si fraîche. Complètement rincé à la Zubrowska, je ne peux pas vaciller deux pas sans reconnaître quelqu’un que je n’ai aucune envie de voir. A l’intérieur, c’est blindé. Blindé de gens dont j’ai critiqué la musique, de filles qui ont un jour lointain refusé mes papouilles. De types sur les meubles desquels je me suis écroulé, des pseudo-artistes insultés, des piliers de comptoirs moqués. Je dis à une fille que vu que tout leur public est ici ce soir, le Verschueren, l’Union et le SupraBailli doivent être fermés et les friteries du bas de Saint-Gilles avoir prévu quelques kilos de patates supplémentaires pour le coup de 5 heures du mat’. Elle ne trouve pas ça drôle du tout, part danser sur Prodigy et je trouve ça dingue d’encore danser sur Prodigy en 2012. Après, je ne sais plus, plus rien du tout. C’est toujours comme ça, une Bulex: arriver en râlant et en rechignant (cette musique mainstream, tout de même!) et repartir 6 heures plus tard à dos de licorne, en chantant « cinéma, cinémaaaaaa » et en finissant par se faire caler un Bicky de la Barrière en travers de la tronche, histoire de la fermer. En 1997 comme en 2012, ça n’a pas changé. Nous, si. Phrase entendue: « Je crois que je viens de croiser Jeff Bodart. »

Museum Night Fever.

Ce qui m’impressionne le plus dans la carrière de Banksy, c’est cette opération quasi commando de 2005, où l’artiste britannique a été coller ses propres oeuvres sur les murs des grands musées new-yorkais, en pleine journée, sans jamais se faire repérer. « Les gars, on va faire la même chose », je dis, en profitant de la cohue de la Museum Night Fever. Comme tout tour magique, ce qui suit est irracontable et top-secret. N’en demeure pas moins que l’on est depuis samedi soir totalement explosés de rire à s’imaginer la tronche des gens quand ils vont se rendre compte que des billets de Monopoly hongrois ont été ajoutés aux collections numismatiques du Musée de la Banque Nationale et qu’un pilote de combat du Musée de l’Armée porte désormais sur son uniforme un écusson d’employé du mois de Tonton Chami. Phrase entendue: « Promis, l’année prochaine, on va aux Sciences Naturelles coller un squelette de Pinocchio à celui de la grosse baleine! »

Jean-Claude Vannier @ Atelier 210.

Jean-Claude Vannier, son piano et ses jouets ne sont pas dix minutes sur scène que je suis pris d’un impérieux besoin de pisser. Vannier chante du Gainsbourg, blague, donne des coups de pieds à une guitare électrique, se donne grave, mais cela ne marche pas sur moi. Je ne garde à l’esprit que des images d’écluses et de tsunamis. Il chante du Maurane, joue Melody Nelson sur un piano de saloon miniature. Il balance des anecdotes marrantes sur des actrices coquines et des musiciens de l’armée tchèque emprisonnés pour avoir raté des accords de la partition. Cela me parle autant que cela parlerait à un misérable castor en pleine bataille contre la crue subite du torrent où se trouve son barrage. Le mec est parti pour jouer 2 heures. Je craque à 74 minutes. Trois litres plus tard, je sifflote Here Comes the Rain Again en sortant des waters, enfin détendu, tellement détendu que je m’écroule sur une chaise du bar pour ne plus m’en relever, bien plus heureux de vivre après la mort que d’assister au tour de chant assez foutraque, bien que touchant, d’un arrangeur sinon hors-pair. Phrase entendue: « Si j’avais su que c’était aussi con, j’aurais amené les enfants. »

Kompakt @ Fuse.

Un moment, avec toutes ces lumières bleues et mauves, j’ai l’impression d’être à la fin de L’Empire Contre-Attaque, quand Luke se bat contre Darth Vader dans la chambre de cryogénisation. La Force est avec moi, elle est aussi avec Michael Mayer, qui balance bombes sur bombes sur un public totalement wild, mélange de vieux briscards et de jeunes binge-drinkers. Les vioques sont là en connaissance de cause, ils vont aux soirées Kompakt comme chez Bouglione, chercher clowneries, culbutes, tigre qui montre la papatte et autres voltiges. Les jeunes, même ignares, sont vite conquis. Si on prend pour départ de l’histoire l’ouverture du magasin Kompakt à Cologne, en 1993, par un trio de DJ’s, cela fait maintenant quasi 20 ans que cette recette fonctionne, que la maison n’a pour ainsi dire jamais été prise en défaut au moment de faire suer le dancefloor. Cela tient du cirque et du fitness, dans un Fuse digne de ses grandes heures, avec aussi une diabolique Less Iz More à l’étage. Phrase entendue: « Belfius, non. El Fuse, oui. »

Dimanche @ Home.

Sur base d’informations glânées sur Facebook et Twitter saupoudrées d’un zeste d’imagination et de souvenirs, plusieurs de ces chroniques sont totalement inventées (au moins une est vraie). Une façon de protester contre cette manie qu’ont les gens, à fortiori de la nuit, d’exiger qu’on leur dise ce qu’ils ont envie d’entendre, qu’on leur écrive ce qu’ils ont envie de lire, qu’on leur confirme ce qu’ils ont envie de croire. Même si c’est faux. Quelques lieux communs alignés et quelques énormités tellement grosses qu’elles pourraient être vraies ne vaudront jamais un nez dans le cambouis du réel. Nananère! Cela dit, allez peut-être quand même vérifier les écussons de pilotes en cire au Musée de l’Armée, huhu.

Serge Coosemans

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