Soko: « Ça va me saouler et je vais partir hein! »

Soko © Janell Shirtcliff
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Intrigué par l’allure new wave du deuxième album de Soko, on est allé à la rencontre de la frenchie-qui-vit-à-L.A. lors de son passage bruxellois. Idée moyennement payante.

D’emblée, elle nous file un double smack sur les joues. Stéphanie Sokolinski (Bordeaux, 1986), cheveux sécateurs à la teinture blonde approximative, c’est Madonna chiffonnée version punk 1977. La table choisie pour l’interview ne lui convient pas: il y a des voisins. « Je suis timide », dit-elle d’un sourire circonflexe. Soko est une pile électrique qui a du mal à fixer son interlocuteur: regard chaviré par du fard à paupières ocre, breloques de colliers au cou et boucle d’oreille en pendentif chrétien. On remarque aussi la photogénie lisse de la peau: elle a tourné dans une dizaine de longs métrages, notamment le Bye Bye Blondie de Virginie Despentes sorti il y a trois ans. Le nouvel album My Dreams Dictate My Reality (Warner) a quelque chose de la faille spatio-temporelle: il ramène au power-punk industrialisé à Londres fin des années 70 et en début de décennie suivante. Des titres tels que Peter Pan Syndrome -aux tonalités très Siouxsie & The Banshees- ou le duo Lovetrap avec le clown Ariel Pink tirent l’ensemble: même si la synthèse n’a rien de nouveau, elle offre une pop vulnérable aux zébrures radiophoniques. Avec des allusions répétées à la mort et autres paradigmes de la peur. Le tout tranche musicalement sur le folk simili-dépressif du premier album I Thought I Was An Alien.

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Soko: Je reviens d’Amsterdam où je suis allée voir la maison d’Anne Frank, cela me touche, parce que c’était une rêveuse qui s’était dit qu’elle voulait être une écrivain très célèbre et que ses mots vivraient après qu’elle soit morte!

Tes chansons vont survivre après que tu sois morte?

Je ne me pose pas la question, ces choses-là me terrifient… Par contre, quand j’écris, j’ai ce truc vital incluant toutes mes pensées pour être sûre que quand je mourrai justement, les trucs qui restent de moi soient le plus vrai possible.

En écoutant ton disque, on a parfois l’impression d’être de retour en 1978-1980. Notamment Ocean of Tears très évocateur du Dancing With Myself de Generation X…

Yeeeah, mais pas sur toutes les chansons! Certains titres sont écrits à la basse et comme mon héros du genre, c’est Simon Gallup de The Cure, des morceaux comme My Precious sont plus punks de par la nature de l’écriture. J’ai également travaillé sur un Farfisa, orgue des années 70 avec une drum machine, la reverb à fond, genre synthé un peu pourri: il ramène à cette période gothique/planante du milieu des années 80. Donc c’est plus dream pop que punk.

Tu es née en 1986 et tu te revendiques partiellement du gothique, c’est étrange!

Non, je suis une grosse music nerd (sic) et je fais tout le temps des playlists qui m’amènent à consommer énormément de musique, alors qu’il n’y en avait pas chez moi. J’ai grandi dans une petite ville des environs de Bordeaux, j’écoutais la radio, mon père était vendeur dans un magasin et quand il est mort (d’une rupture d’anévrisme dans son sommeil alors que Soko avait 5 ans, ndlr), ma mère a été obligée de faire de l’intérim.

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Tu as travaillé avec Ross Robinson, qui a produit en 2004 l’album éponyme de The Cure: tu as discuté avec lui d’une stratégie sonore?

Non, j’avais déjà écrit tous les morceaux et tous les arrangements et je savais exactement le son que je voulais: fallait juste quelqu’un qui sache le réaliser! Ross voulait me laisser faire l’album de mes rêves: me disant (elle s’emballe): « All I want is fire, all I want is to feel your soul and you’ve so much soul, I want to feel it, I want to hear it and put it on the record. » Cette capture d’innocence, de vérité et de vulnérabilité, c’est vraiment comme cela que je fais de la musique. Pas en travaillant avec quelqu’un qui calcule la pause-déjeuner.

Tu ne tiens pas en place. Tu es tout le temps comme cela?

Ouais ouais. Dès que j’ai un jour off, je pète les plombs, je tombe malade. Ross, dès qu’il prenait un jour off parce qu’il était malade ou qu’il devait voir sa mère, je mourais mille fois à l’intérieur (sic): (elle fait la fille qui pleure): « Reviens Ross, stp, on a commencé cette chanson, il faut qu’on la finisse, je ne peux pas laisser cette chanson en plan. Tu ne peux pas venir? (sanglots)« 

Tu as l’impression que ta vie est un film?

Non, mais quand je fais un truc, je suis tellement dedans que cela me fait saigner. Quand j’ai une idée en tête et que je ne peux pas la finir, j’ai l’impression de mourir mille fois. J’ai des crises d’angoisse tout le temps.

Tu devrais te calmer un peu…

Non, je ne peux pas. J’ai fait un rêve quand j’habitais à Seattle: je devais déménager à New York puis j’ai su que je devais partir à Los Angeles le lendemain. Je connaissais un seul mec à L.A. qui m’avait pris en photo pour Vogue genre trois jours auparavant, et qui est devenu l’un de mes meilleurs potes. Je l’ai appelé et suis allée chez lui, je n’ai toujours pas de maison fixe d’ailleurs.

T’as gagné beaucoup d’argent avec ton premier album? Il s’est vendu à combien d’exemplaires?

Aucune idée. Mais ce n’est pas comme cela que je gagne de l’argent: là sur cette tournée, je perds entre 10 et 15 000 euros. C’est mon prochain film qui paie ma tournée.

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S’agissant de la langue anglaise: quand tu chantais sur le titre qui t’a fait connaître en 2007, I’ll Kill Her et que…

(interrompant, péremptoire) Je n’ai pas du tout envie de parler de cette chanson et on n’en parle pas!

Comment as-tu appris l’anglais?

En voyageant, en étant très intelligente et en travaillant bien à l’école.

Si tu es très intelligente, pourquoi tu refuses de parler de ton passé?

Parce que je n’ai pas envie et que c’est comme cela.

Le passé n’a pas d’importance?

Le passé dans mon nouveau disque, je lui fais un honneur de dingue, je ne parle que du passé.

Tu as une carrière un peu bizarre, le morceau qu’on ne peut plus citer et…

Non, franchement, cela va me saouler et je vais partir hein!

Fais comme tu veux, pars…

(Elle part)

Moins d’un quart d’heure de discussion: assez pour comprendre les dégâts potentiels des fameuses quinze minutes de célébrité selon St Warhol sur un esprit flottant. Aucun doute: les caprices du succès ont parfois la tête peroxydée d’une post-adolescente immature.

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