Serge Coosemans

Scorpion Violente: viol pour rire & revanche de la new-beat

Serge Coosemans Chroniqueur

Nerds faussement sociopathes, adeptes de l’Hauntology sans vraisemblablement le savoir, couillons mangeurs de pizzas plus que meurtriers de chatons, les Scorpion Violente étaient vendredi soir en concert à Bruxelles. Notre chroniqueur a trouvé cela très new-beat. Sortie de route, S02E22.

Ce vendredi soir au Café Central, ces gros couillons de Scorpion Violente m’ont laissé une impression durable. J’y allais pourtant plus par curiosité que par conviction, sans même penser écrire quoi que ce soit sur ce groupe qui surjoue au nerd sociopathe jusque dans l’erreur grammaticale de son patronyme (on a bien compris que c’était pour sonner comme un titre de film italien des seventies, merci). À deux ou trois morceaux près (The Rapist, Viol & revanche, La rue aux Putes Flagellées…), leur musique enregistrée, bien que sympathique, a cette étonnante capacité de me rentrer par une oreille pour en ressortir très vite par l’autre.

Ce n’est pas forcément dû à un quelconque manque de talent. Les Anglais ont inventé une classification pour ce genre de compositions trop référentielles. Ils appellent cela l’Hauntology. C’est-à-dire une musique qui joue sur les réminiscences, hantée par un passé souvent télévisuel, de série B voire Z, et qui rappelle les vieux génériques au synthé et les bandes originales séquentielles de films kitsch voulus oppressants. Bref, bien que nettement plus cheap et cracra, Scorpion Violente a un peu de mal à se distinguer d’une vague globale et internationale. Déjà parce que leur musique en rappelle trop d’autres, mais aussi parce que, bien que nettement plus proprets, des groupes plus suivis comme Zombie Zombie ou Pye Audio Corner livrent un résultat musical relativement similaire, limite plus convaincant, lui aussi né de l’écoute répétée de Suicide, John Carpenter et des workshops de la BBC. Or, a-t-on vraiment besoin de s’encombrer les esgourdes de 40.000 groupes du genre? En voilà une bonne question…

Faut bien dire ce qui est: cette prestation bruxelloise de Scorpion Violente n’était en fait perçue par ma garde rapprochée que comme un bon prétexte à biture entre amis proches. Une virée strictement entre mecs, à l’anglaise, lads night out, l’objectif pochetron dans toute sa splendeur néo-beauf. Se blinder de houblon et de bourbon sans chercher à faire connaissance avec qui que ce soit, sans même tenter de se rendre sympathiques, sans observer les petites anecdotes de la nuit marrantes à replacer. Ceci dit, le propre des concerts électro étant qu’il ne se passe jamais grand-chose sur scène, les mecs pouvant très bien mettre une cassette et se tricoter un pull, c’est donc par les oreilles que s’est imposée l’évidence d’une musique à l’ampleur assez sidérante, capable sinon de suspendre nos braiments de vieux gamins dissipés, du moins de les espacer considérablement.

Ces deux crevards débarqués de la province française à bagnoles cramées et rappeurs patibulaires (Strasbourg et Metz, paraît-il) ont beau surjouer la carte du nerd malsain, quand on se prend leur live en travers de la balle, on comprend vite que les meurtres de chatons et les visites sordides chez les she-males syphilitiques, c’est que de la frime pour mouiller le slip des rockeurs. La vérité vraie, c’est que le côté agressif, noir, mais aussi puissamment dansant de leurs boucles électroniques les rapproche en fait bien davantage du meilleur Fad Gadget, le plus cathartique, que de la tartine synthétique en pilotage automatique pour nostalgiques du générique de Contact ou de Temps X.

Dans la moiteur et l’étroitesse du Café Central, ça n’a pourtant pas beaucoup dansé. Essentiellement rock, avec ses gueules de talibans tatoués et ses vestes de snipers bosniaques, le public, le doigt dans le nez plein de colle à bois, s’est massé en attendant des pogos qui n’arrivaient pas puisqu’ils n’avaient pas de raison d’être. Ces poseurs défoncés que l’on croise à chaque concert de garage rock n’ont même pas semblé capter que dans un passé finalement pas si lointain, ce groupe aujourd’hui très alternatif, sans doute apprécié par pure prétention, aurait blindé et cramé n’importe quelle méga-discothèque de Flandre et du Brabant Wallon. Scorpion Violente, c’est le clubbing d’avant la house, avec ses rythmes lents et lourds et son hédonisme consistant à danser comme un robot en tirant faussement la gueule. Ils le savent, si on en croit cette interview sur le net où ils admettent pratiquer du « dark clubbing », puisque « Throbbing Gristle est mort, que DAF est devenu hétéro et que Suicide fait des reprises de Cargo de nuit ». Quelle idée, dès lors, que d’aller jouer devant des gens pour qui danser, c’est sauter en l’air et qui ont le sens du groove d’une brosse à dents? Qu’on leur fasse rencontrer Optimo, Ivan Smagghe et les producteurs hipsters de Brooklyn au plus vite! Qu’on leur sorte la tête du carton à pizza pour les gorger d’ecstasys et de volontés décomplexées de faire danser les filles, même celles sans piercings. Les Scorpion Violente méritent de quitter leurs chambres de grands ados masturbateurs afin d’aller fièrement à la chasse au destin. Le leur, dans un monde équitable, est de faire bouger des masses de fesses, la plus noble des missions. Sous des tas de stroboscopes. Tout autour du monde. En tête d’affiches de festivals aux backstages propres. Yeah!

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