Rock Werchter J4: Le triomphe du landgenoot Stromae

Stromae à Rock Werchter © Wouter Van Vaerenbergh/Knack Focus
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Inédit: pour clôturer sa 40e édition, Rock Werchter filait les clés de la boutique à un Belge, francophone de surcroît. Stromae pour terminer les festivités en feu d’artifice, c’était bien l’événement du jour.

Objet pop s’il en est, Stromae est un formidable miroir. Une sorte de Tintin eurodance, de 7 à 77 ans, dont la ligne (faussement) claire permet toutes les projections, toutes les interprétations. Dimanche soir, par exemple, c’est évident. Sur la plaine flamande détrempée, Stromae est d’abord d’une histoire belge. « Landgenoten, compatriotes! ». Paul Van Haver et ses camarades commencent ainsi leur concert avec Ta Fête, vrai faux hymne vicieux adopté par une équipe de football qui aura mobilisé comme rarement. Déchaînée, la star aujourd’hui internationale continue avec Bâtard« Flamand ou wallon, bras ballants ou bras longs ». Et d’enchaîner ensuite avec Peace or Violence, se demandant ce que peuvent bien dire les deux doigts dressés en V – la victoire ou la violence? A moins que ce ne soit le V de « verandering », doivent penser les – forcément nombreux – électeurs NVA du public… Stromae, chanteur « politique », (officiellement) à l’insu de son plein gré…

Evidemment, il ne s’arrête pas là. Tous les mêmes le voit jongler avec les genres, guerre des sexes ouverte. « Deze keer is de laatste keer », chante-t-il en néerlandais dans le texte – en espérant tout de même que la prochaine médiation fédérale, euh on veut dire conjugale, donne des résultats, plus rapidement que la dernière fois en tout cas…

Mais peu importe l’interprétation du jour finalement. On peut aussi se contenter simplement de profiter du spectacle. Sur scène, on connaît, c’est brillant, inspiré, imparable. Mais sur la plaine aussi, il se passe des choses. Comme de voir se trémousser tous les Joe Piler imbibés, interpellés quand même dans leur virilité par l’androgynie du personnage de Tous les mêmes – Stromae ne lésinant jamais sur les poses féminines. Plus loin, c’est tout Werchter qui lève les bras sur Moules Frites ou roule des « rrrrr » sur Formidable. Cocasse: voilà donc un pays dont la partie néerlandophone chante aujourd’hui à nouveau en français, lançant même par moment des « tous ensemble, tous ensemble », tandis que les Wallons lancent désormais eux-mêmes dans les stades le fameux Waar is da feestje?. Tout espoir n’est donc peut-être pas perdu…

Rock Werchter J4: Le triomphe du landgenoot Stromae
© Wouter Van Vaerenbergh/Knack Focus

L’heure de Stromae est ainsi rondement menée: elle avait (déjà) des airs de best of. Certes, ce serait mentir d’écrire qu’on n’attendait quand même pas une pirouette supplémentaire de la part du Maestro. C’est qu’on s’habitue aux surprises. Pas de guest par exemple invité sur scène ou de nouvelles versions: en fin de concert, Alors on danse mixe comme prévu des vieux tubes eurodance nineties, tandis qu’en rappel Papaoutai file façon rumba congolaise. Soit. Le concert d’un artiste comme Stromae à l’affiche de Rock Werchter était déjà un événement en soi. Un pari au minimum, une joyeuse incongruité. On a même pu douter que la sauce ne prenne sur une affiche où se bousculaient quand même des noms comme Pearl Jam, Metallica ou les Kings of Leon. Stromae à Werchter? C’était un peu l’ancien monde contre le nouveau. Mais même si certains tableaux ont pu paraître étranges, deux univers séparés plaqués l’un sur l’autre, Stromae a fini par emporter le morceau. Dimanche soir, Werchter était à tout le monde…

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