Rock Werchter J3: en toute intimité

Lenny Kravitz © Olivier Donnet
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Lenny Kravitz fait le cabri, Selah Sue est à la maison, Damien Rice fait chialer tout le puclic, tandis que Noel Gallagher fait le job: bilan d’une troisième journée de festival.

Avant même la fin du festival, les deux réussites de cette édition Rock Werchter 2015 sont d’ores et déjà connues: ce sont les deux chapiteaux de la plaine, le Klub et la grange (The Barn). Endroits déjà connus et pratiqués, mais customisés cette année de manière spectaculaire. C’est bien simple: de tente de festival, il n’est plus question: on peut carrément parler de véritables salles en soi, bonbonnière en forme de coque de navire renversée. Rien que le fronton en jette: tout en lattes de bois pour The Barn; décoré de structures en losange design pour le Klub. A l’intérieur, à chaque fois, des mini-gradins ont été installés de chaque côté, tandis que le plafond a été décoré de simples guirlandes d’ampoules façon bal musette (dans The Barn); de rails blancs lumineux (dans le Klub).

The Barn
The Barn© Olivier Donnet

Ce n’est donc peut-être pas un hasard si quelques-uns des meilleurs moments à piocher dans la journée de samedi se retrouvaient programmés dans l’une et l’autre. Côté Klub, par exemple, on a pu voir Selah Sue proposer un début de concert impressionnant. En terrain conquis, jouant quasi dans son jardin, la Louvaniste avait forcément envie de bien faire, avec un enthousiasme au moins aussi grand que la choucroute qui lui sert encore et toujours de coiffure. C’est soul, c’est moderne, même si pas toujours hyper-personnel. Soutenue par un groupe hyper calé, classe et patate internationales, la Sue est sur du velours. Franchement, il n’y en a même que pour elle. Déchaînée, elle bouge, danse, chante, rappe, vire ragga, citant à l’occasion Lauryn Hill. À force de prendre toute la place, la chanteuse finit même par moment par en prendre trop, en laissant trop peu pour la musique. Quand le jeu est équilibré, il fait cependant des étincelles, comme avec cette version soufflante de This World, dont la tension larvée explose à chaque fois sous le coup d’une caisse claire dub atomique.

Dans la Grange, l’Irlandais Damien Rice enchaînait directement après. L’automne dernier, il revenait avec un nouvel album, le premier en 8 ans, produit par Rick Rubin. De là à dire que la formule a été bouleversée pour l’occasion, serait exagéré. Si, sur disque, la dramaturgie existentialo-amoureuse de Rice passe vite pour un scénario folk-mélo, elle gagne autrement du corps sur scène. Peut-être parce que Rice s’y produit entièrement seul. Le barde pratique, et maîtrise à la perfection, l’art des crescendos, ajoutant instrument après instrument, voix après voix. En enregistrant en direct une suite de boucles, il crée ainsi à chaque fois des mille-feuilles soniques qui font mouche. À l’instar du final, où il superpose guitares acoustiques, électriques, cymbales, batteries électroniques, flûte… Ou quand, juste avant, il balance le classique The Bower’s Daughter, repris en choeur par le public. La caméra passe alors dans les premiers rangs et filme un regard humide, puis deux, trois, quatre. Et de se rendre compte que c’est TOUT le public qui chiale.

Noel Gallagher's High Flying Birds
Noel Gallagher’s High Flying Birds© Olivier Donnet

Enfin, du moins celui a réussi à rentrer dans la salle… Car la relative intimité du Klub ou de The Barn est aussi leur principal « désavantage », obligé de laisser régulièrement du monde dehors. Ne reste plus alors qu’à aller se planter devant la scène principale. La grande, l’immense, la gigantesque « main stage ». Samedi soir, elle était occupée notamment par The War On Drugs – impeccable mais tellement loin – puis par Noel Gallagher. Lui aussi fait le boulot, avec ses High Flying Birds. Il a même avec lui des cuivres qui, accolés aux guitares qui tronçonnent, amènent une autre couleur à sa Brit pop. Pour autant, en début de soirée, il en faut plus que ça pour vraiment réussir à retourner la plaine. Par exemple le tube d’Oasis que tout le monde attend depuis le début. Wonderwall? Ce sera Don’t Look Back In Anger

Au même endroit, ce bon vieux Lenny Kravitz remettait les pieds sur une prairie qu’il n’avait plus foulée depuis 2012. Et encore c’était pour l’édition TW Classic. Avec ses lunettes de soleil, son veston sur cote de maille, et son écharpe qu’il enlève, puis remet, puis enlève, le beau Lenny aime toujours fort faire le cabri. Un vrai sketch. Après, le père Kravitz peut revendiquer une série de tubes. Une pelletée même. Ce qui est toujours pratique pour tenir une tête d’affiche: Mr Cab Driver, It Ain’t Over ‘Til It’s Over, American Woman… Et puis comme il peut compter sur quelques pointures dans son groupe (l’impériale Gail Ann Dorsey à la basse), il en profite. Sur Always On The Run, quasi chaque membre du band a droit son solo. Et de remettre ça avec un Let Love Rule kilométrique, pendant lequel Kravitz s’en va faire le kéké dans la foule. Ambiance garantie dans les premiers rangs, c’est sûr. Deux cents mètres plus loin par contre, on est forcément moins concerné, et on se met à bailler. Lenny Kravitzzzzzzzzz…

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