Rétro 2016: Après une longue saga, Bruxelles récupère l’exploitation du Cirque royal

Que gagnera le Cirque royal géré par la Ville plutôt que par le Bota? © PG
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

La Ville va exploiter la salle au détriment de son locataire, le Botanique. Une stratégie qui dépasse l’organisation de concerts et oppose sans doute deux façons de considérer la culture.

Novembre 2016, le conseil communal de la Ville de Bruxelles choisit Brussels Expo – l’une de ses émanations – pour la gestion, dès l’été 2017, du Cirque royal. La conclusion, provisoire, de ce qu’il faut bien nommer une saga, débute en fait à l’automne 2014. A huis clos, le collège des Bourgmestre et Echevins de la Ville décide alors d’interrompre la concession de trois fois neuf ans accordée au Botanique, au terme du second terme. C’est-à-dire en date du 1er juillet 2017. La chose est rendue publique à l’été 2015 par le Botanique, à la fois surpris et furieux d’une telle décision: l’institution de la rue Royale ne semble pas avoir démérité dans la modernisation et la programmation d’un bâtiment longtemps réputé pour son accueil du ballet et du comique (à l’ancienne) plutôt que pour sa vision musicale contemporaine, même si le rock y remonte aux années 1950. Dans la défense de son Cirque, Annie Valentini, directrice du Botanique, nous disait il y a quelques mois: « D’une soixantaine de spectacles en 1999 – date de reprise du bail par le Bota -, la salle est passée sous notre organisation à 180 jours d’occupation par an, répétitions et mises en place comprises. C’est donc incompréhensible que le pouvoir local casse une machine qui donne de tels résultats pour satisfaire des pulsions d’hégémonie et de domination du secteur du divertissement. Le rôle du pouvoir public n’est-il pas de préserver la vitalité du tissu culturel plutôt que d’organiser une concurrence directe? »

Cash flow

La flèche de Valentini décochée à la Ville de Bruxelles vise aussi Philippe Close, échevin du Tourisme, des Finances et du Personnel. Ce quadra de la majorité PS (sa couleur) – MR de la Ville, n’a pas la culture dans ses attributions – c’est l’autre socialiste, Karine Lalieux – mais depuis quelques années, il s’est taillé une vorace réputation dans le secteur du live musical. Menant à travers diverses sociétés liées à la Ville de Bruxelles une OPA non seulement sur l’été musical de la capitale – le BSF, c’est lui – mais aussi sur les salles de l’agglomération. Après le Palais 12 du Heysel et La Madeleine, Close vise donc le Cirque royal, nous disant cet été « que la ville a besoin d’une salle de 2000 places pour en faire une destination touristique et d’affaires ». Ce qui est bien entendu dans les droits et prérogatives du proprio. Sauf que la question d’une ville faisant – directement ou pas – concurrence à ses propres institutions culturelles, comme le Botanique, pose question. D’abord au niveau des procédures. Lorsque la majorité PS-MR décide à l’automne 2014 de couper la chique au Botanique pour la donner à Brussels Expo – asbl patronnée par Close -, elle le fait en circuit fermé: le Conseil d’Etat estime que les modalités de la décision n’ont pas respecté le chemin légal et oblige la Ville à instaurer un appel d’offres. Celui-ci, après divers épisodes, est finalement publié le… 29 juillet 2016 et est à remplir pour exactement un mois plus tard, le 29 août. Là, le Botanique, en manque de cash flow apte à répondre aux nouvelles conditions d’investissement demandées dans le Cirque, s’allie au Sportpaleis Group, anversois et propriétaire de nombreuses salles, dont Forest National, prêt à mettre d’emblée 3 millions d’euros sur la table. Peine perdue, ce 21 novembre, la majorité de la Ville vote – contre toute l’opposition – pour que l’exploitation du Cirque revienne à Brussels Expo, seul autre candidat déclaré. Le 28 novembre, le Botanique dépose au Conseil d’Etat un recours en annulation et une demande de suspension de cette décision : la réponse ne devrait sans doute pas intervenir avant le printemps 2017. Tout cela n’est pas seulement une question de divergence sur la notion même de culture à Bruxelles – popu contre plus arty? – voire de rivalité politique (Close est PS, tout comme Jean Demannez, le président du CA du Bota…), encore faudrait-il savoir ce que le public de la capitale de l’Europe gagnera d’un Cirque géré par la Ville plutôt que par le Bota. Hormis des conférences et des salons.

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