Radiohead is not dead (yet)

© Koen Keppens
Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

Dans un Sportpaleis plein à craquer, le quintet devenu controversé a livré une prestation sereine et maîtrisée.

À tous ceux qui liraient les lignes à venir le couteau entre les dents, près à me trancher la jugulaire au moindre dérapage, je le dis tout de go, c’est le futur président de l’ASBL « Fidélité aveugle (ou presque) à Radiohead » qui s’exprime ici. Pas de panique donc. Cherchez l’objectivité, vous ne la retrouverez point. Cherchez la petite bête, elle est restée collée dans un quart de pizza Oetker (et encore…) honteusement vendu dans les travées d’un Sportpaleis gonflé comme les sacoches de Felix Baumgartner. Coupable!

Longtemps bercé par une douce illusion d’unanimité, souvent étiqueté « meilleur groupe du monde » par les connaisseurs, Radiohead a fini par cliver, grosso modo, les fidèles et les déçus. Classique. Devenue insupportablement consensuelle pour l’esprit rebrousse-poil d’une partie de l’intelligentsia musicale, l’équation « trop d’admiration tue l’admiration » a donné naissance à une hargneuse hype anti-Radiohead, certes salutaire dans son aspect iconoclaste, mais pas forcément juste ou mesurée.

Sergueï Bubka, perchiste de profession, n’a jamais réussi à sauter plus haut que 6m15. Et les 6m15 de Radiohead, même si Thom Yorke y allait hier soir d’un fébrile « we are not dead yet », c’est probablement le triptyque OK Computer, Kid A, Amnesiac. Trois merveilles d’albums, exceptionnels d’audace et de maîtrise. Mais qui, mis à part les quelques fulgurances de Hail to the Thief, In Rainbows (surtout) et The King of Limbs, n’ont pas vraiment trouvé leurs dignes successeurs. Cela posé, Sergueï Bubka, même s’il n’a plus dépassé les 6m15, ne s’est pas mis tout d’un coup, après son record, à jouer de la cornemuse sur un skate-board. Il a continué à sauter haut. Et les derniers albums de groupe sautent haut. A 5m87 de moyenne environ. Ce qui n’a rien de déshonorant. Parfois perdus dans l’expérimentation, Radiohead n’a jamais cherché l’hymne à stades, façon Coldplay ou Muse. Faut pas se tromper d’ennemi: même si Yorke et ses gars ont raté une poignée de chansons sur leurs dernières plaques, ils font tout de même partie des gens qui tirent la musique vers le haut. Ou qui essayent. En tout cas, c’est ce qu’on se dit, dans notre sect.. euh, à l’ASBL.

Sold-out en un claquement de slip, le concert de ce jeudi soir a rappelé aux sceptiques à quel point Radiohead, en vingt ans de carrière, a toujours voulu se renouveler. Sans jamais piocher dans Pablo Honey et The Bends, oeuvres de jeunesse, le groupe a montré l’étendue de son répertoire, entre ballades intimistes et bizarreries informatiques, décharges rock et grandes chansons pop. Devant un public de trentenaires, à la grosse louche, Thom Yorke, coiffé à la Steven Seagal (on me dit dans l’oreillette que l’ASBL pense m’excommunier pour cette comparaison), monte dans les tours au fil de la soirée, du cristal dans la voix, gigote comme une tanche dans une bourriche, réveille les amorphes sur Karma Police, I Might Be Wrong, Paranoid Android ou, surjoue quelques refrains, crispe certainement les antis et ravit assurément les pros. Dans l’ensemble, musclé par un jeu de lumière travaillé, le concert a de la gueule. Et pour un fan béat de la première heure, les Pyramid Song, Airbag et autre Everything in Its Right Place, ça met la larmichette à l’oeil. Comme un oignon. Parce que Radiohead, qu’on les aime ou pas ou plus, c’est le genre de groupe qui joue la BO d’une vie.

SETLIST: Lotus Flower / Bloom / Airbag / Weird Fishes/Arpeggi / Kid A / I Might Be Wrong / The Gloaming / Separator / Reckoner / Pyramid Song / Nude / Identikit / Karma Police / The National Anthem / Feral / Bodysnatchers /// Give Up the Ghost / Supercollider / Morning Mr. Magpie / Myxomatosis / Paranoid Android /// 15 Step / Everything in Its Right Place (intro: True Love Waits) /// Idioteque

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