Pukkelpop: la méthode Shabaka

N.E.R.D. © © Wouter Van Vaerenbergh
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Une journée tristounette couronnée par un grand concert. Vendredi, Shabaka Hutchings et ses Sons of Kemet ont mis tout le monde d’accord.

Kodaline, Papa Roach, Oscar and the Wolf, Incubus… On s’est longtemps demandé si c’était pas la pire affiche d’un jour à laquelle on ait eu droit du côté de Kiewit et de son Pukkelpop. Beaucoup de choix mais pas grand-chose à se mettre sous la dent. Vendredi ou la vie sauvage…

Sudan Archives

Proposition singulière que cette découverte du label Stones Throw. Née à Cincinatti mais installée à Los Angeles, Britanny Denise Parks est violoniste autodidacte. Compositrice et productrice aussi. Inspirée par l’électronique expérimentale, la musique soudanaise, le R&B et les rythmes d’Afrique de l’Ouest, Sudan Archives, seule en scène, le pied nu, tout de blanc vêtue, joue avec son instrument. Le tripote, le caresse, le gratouille et crée des boucles. Mais très vite se perd dans une espèce de karaoké moderne. Dommage.

Ho99o9

Moins putassier et gras que Death Grips, plus rock teigneux que dancefloor de l’apocalypse, Ho99O9 est un peu ce qui se fait de mieux dans le hip hop extrême. Enervé, surexcité même, le trio (un batteur, deux MC’s) du New Jersey fracasse son rap sur un punk hardcore déchaîné. Crowdsurfing, circle pit, braveheart et forcément salto final… Tout y passe. The OGM (en robe de mariée) et Eaddy pratiquent la tactique de la terre brûlée. Derrière, les vidéos montrent des émeutes, des fourmis qui se promènent dans une main, des passages à tabac policiers… Ho9909 serait déjà en train d’apprêter son nouvel album. On ne peut que l’imaginer furieux.

Amenra

Puissance. Intensité. Brutal et beau, Amenra a assommé de toute sa noirceur le Marquee. Concert pileux (ils viennent d’où tous ces barbus?) et d’une lourdeur désespérée… Les Courtraisiens ont imposé leur force mystique et leur univers tourmenté. Les hurlement de Colin Van Eeckhout percent le mur du son et les guitares pesantes. Au milieu de la fumée, les projections plongent dans un monde abyssal et désert en noir et blanc. Emotionnel, violent et fascinant.

Sons of Kemet

Shabaka Hutchings:
Shabaka Hutchings: © DR

Sorte de Kamasi Washington de la scène jazz londonienne, Shabaka Hutchings a débarqué sans ses Ancestors sur la plaine de Kiewit. Sans ses Ancestors mais avec ses Sons of Kemet. Soit deux batteurs et le bluffant joueur de tuba Theon Cross. Sur le coup de minuit, pour nous sauver des griffes d’Oscar and the Wolf, l’hyperactif saxophoniste aux magnifiques dents du bonheur a mis le Lift en couleur. Mélangeant allègrement jazz, musiques africaines et sonorités caribéennes. Croisé aux côtés du Sun Ra Arkestra, de Floating Points ou encore de Mulatu Astatke, le musicien élevé dans les Barbades a fait danser, groover, s’évader un public conquis et métissé. Rejoints par le poète/chanteur/danseur Joshua Idehen qui a convié à la fête le fantôme de Gil Scott-Heron, les protégés de Gilles Peterson ont aussi donné un aperçu de leur dernier album: Your Queen is A Reptile. Un disque qui reproche à la monarchie britannique de ne pas représenter les immigrés black et dont tous les titres de chansons font référence à des femmes noires d’influence. Bluffant.

N.E.R.D.

All the girls standing in the line for the bathroom… Pharrell Williams, 45 ans, a les dents amochées mais toujours sa gueule et son look d’éternel adolescent. Si le dernier album de N.E.R.D. possède une liste d’invités (Rihanna, Ed Sheeran, Kendrick Lamar, M.I.A…) longue comme le bras de Bart De Wever, c’est le spectateur la star des concerts de N.E.R.D. Business, vous avez dit business? Dans ce grand cirque rock, entre un medley et une reprise du Seven Nation Army des White Stripes (mouai), mister Cool invite à monter sur scène tous ceux qui lui ont acheté des fringues au stand merchandising. Il n’y a pas de petits profits…

Madensuyu

S’il a réinventé son rock avec un piano classique et un album, Current, marqué par la pensée d’Héraclite, Madensuyu n’a rien perdu de son impressionnante force de frappe. Tard dans la nuit (c’est bien d’encore pouvoir entendre ce genre de chose à 1 heure du mat), le duo gantois composé de Stijn De Gezelle (guitare/piano) et de Pieterjan Vervondel (batterie) a donné un concert intense et viscéral comme à son habitude. Un groupe définitivement à part sur la scène belge.

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