Pukkelpop J1 – Girls: j’aime les filles

Spleen et pop rêveuse au menu du concert, inégal, de Girls. Pas du genre filles faciles.

A l’ère du web 2.0, de Google et de Wikipédia, on a connu plus malin que d’appeler son groupe Girls et son premier album… Album. Christopher Owens, capitaine de ce bateau ivre, n’en a cure: il en a vu d’autres, le bougre, avec son parcours cabossé, émaillé de sombres histoires de sectes, de drames personnels et de pilules multicolores. D’où, sans doute, cette capacité à pondre des chansons aussi intenses que profondément foutraques.

Girls, au fond, incarne ce que les Smashing Pumpkins -l’une des influences majeures revendiquées par Owens- auraient pu devenir à l’époque de Siamese Dream: un excellent groupe bâtard, partagé entre pop songs lunaires et amour de ces guitares poisseuses qui font grimper au mur (du son) -les fantômes du Velvet ou de The Jesus and Mary Chain (Morning Light) ne sont jamais bien loin, la moumoute de Phil Spector (Ghost Mouth) non plus. Tandis que Billy Corgan s’est depuis longtemps noyé dans sa propre mégalomanie, nul ne sait bien sûr ce qu’il adviendra du cas Christopher Owens. Mais pour l’heure, si ce n’était quelques titres réellement faiblards, son Girls pourrait quasi prétendre au statut de groupe pop moderne le plus fringant du moment, trouvant idéalement sa place parmi les rouages complexes de cette grande machine à remonter le temps qu’est la musique populaire des années 2000. Après les revivals garage, punk, synth pop, shoegaze et autres, l’époque est en effet à la confusion des genres, à la joyeuse partouze des styles. Ce qu’illustre parfaitement jusqu’à la voix d’Owens, dont le spectre semble courir d’un Elvis à l’autre: Costello (Headache) et Presley (Big Bad Mean Mother Fucker, grand oublié de la soirée).

En live, comme sur disque, Girls se montre étonnamment inégal, balançant sans arrêt entre vrai sens du gâchis (Lust For Life, bombinette indie pop à moitié salopée) et purs moments de grâce (un Hellhole Ratrace fantasmabuleux). Gagnant en beauté fragile et maladroite ce que le groupe perd en efficacité pop. Préférant en tout cas largement lenteur et mélancolie à toute forme de joyeuseté. Preuve, si besoin en était, que contrairement aux filles de Cyndi Lauper, ces Girls-là ne veulent pas que du fun. Elles auraient même plutôt tendance, comme chez Gus Van Sant, à avoir le blues… Charmant, le blues.

Nicolas Clément, à Kiewit

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content