Pukkelpop J1: Au bonheur des dames

© Noah Dodson
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Feist, Björk, Santigold, Lianne La Havas, tUnE-yArDs, Vive La Fête ou encore Chromatics: les femmes ont investi en nombre les différentes scènes de la plaine de Kiewit pour la journée d’ouverture du Pukkelpop, le supermarché flamand de la musique indépendante…

Snoop, le Doggfather, a beau se la raconter dans l’après-midi sur la grande scène: ce jeudi, premier jour de Pukkelpop, les cadors ce sont elles. Björk et Santigold sur la Main Stage, Feist dans le Marquee, Lianne La Havas et tUnE- yArDs au Club, Chromatics au Castello… Pour un peu, on se croirait aux Femmes S’en Mêlent, ce festival européen conjuguant depuis 15 ans déjà la scène musicale indépendante au féminin pluriel.

Avec Santigold et Lianne La Havas, pourtant, les femmes s’emmêlent, plutôt. Les pinceaux comme les idées. La première, panthère rosse du genre forte en gueule fringuée en cheerleader, gesticule beaucoup et en vain sous un soleil de plomb. En clair: il ne se passe strictement rien. Et ce, malgré une setlist difficilement attaquable qui, de Say Aha à Disparate Youth, balaie le meilleur d’une discographie pas inintéresante même si largement inégale. Quant à la seconde, tenante d’une folk-soul incroyablement déceptive, à la fois aussi mièvre qu’une romance adolescente et, paradoxalement, aussi racornie qu’une ardeur ménopausée, elle indiffère royalement dans un style (?) tout ce qu’il y a de plus gentil. On l’aura compris, il manque à La Havas, comme à Santigold d’ailleurs, de la chair, du caractère, de la moiteur, ces lubrifiants de la chose musicale naturellement sécrétés par les plus grandes. A moins qu’ils ne soient présents en trop généreuse quantité, comme chez Els Pynoo de Vive La Fête qui, dans la nuit et au Wablief?!, éructe une électro pouffe tristement vulgos.

Le bon et savant dosage, au fond, il est peut-être à chercher, plus tôt dans la journée et au Castello, du côté de Ruth Radelet, avenante tête de gondole des Chromatics. En ouverture, l’instrumental Tick Of The Clock, entendu sur la BO du film Drive, pose d’emblée les bases, solides, d’un concert évoluant dans des eaux à la fois synthétiques et cinématographiques, oniriques et languides. Sous les multi-reflets d’une boule (italo) disco, entre l’électro glaçon (Lady) et la pop calipo (Kill For Love), Chromatics a en effet le bon goût de ne pas choisir-à moins, il est vrai, que le groupe de Portland ne se pique d’une discutable ballade auto-tunée façon Beth/Rest de Bon Iver (These Streets Will Never Look The Same). Le tout chuchoté par la fille Ruth, donc, blonde fiévreuse capable de faire fondre la banquise d’un seul battement de cils. Comme sur la reprise du Running Up That Hill de Kate Bush ou sur celle, déchirante, du Into The Black de Neil Young qui clôt les (d)ébats. Chics et pas tocs, ces Chromatics.

Difficile, a priori, d’en dire autant du cas Gudmundsdottir, ex-princesse des neiges ayant depuis longtemps muté en vilain troll des montagnes – musicalement s’entend. Si elle refuse de se faire tirer le portrait aux avant-postes, Björk, moumoute permanentée, robe à paillettes meringuée, prend plaisir à projeter sur les écrans des images de la Terre tirées, semble-t-il, de son ancien atlas géographique. Quand elle ne se lance pas, entourée d’un choeur féminin façon Grèce antique, dans des vocalises extra-terrestres. Björk, à l’écoute du cosmos? Sans doute. Mais même si d’anciens titres comme Hunter ou Joga font toujours plaisir, son odyssée de l’espace a les allures, pompières, d’un interminable voyage au bout de l’ennui.

Après tout qu’importe puisque, dans la foulée, Leslie Feist offre à la plaine, sans même avoir l’air d’y toucher, le sommet de la journée -voire, déjà, du festival. Qu’elle donne dans la ferveur syncopée du formidable A Commotion ou s’amuse avec ses tubes passés (My Moon My Man, I Feel It All, The Limit To Your Love…), la Canadienne, épaulée par trois choristes adeptes des loopings vocaux, enchante: sensualité, félinité, présence, coolitude absolue, bonheur évident à occuper la scène, le tout au service d’une soul chavirante qui ne manque pas, d’ailleurs, de faire valdinguer les coeurs. Un Fe(i)stival de plaisirs capiteux.

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