Prince, l’artiste qui défia l’industrie musicale

Prince, ici à Paris Bercy en juin 1987. © AFP/Bertrand Guay
FocusVif.be Rédaction en ligne

Prince n’aura pas simplement légué une oeuvre inclassable et protéiforme: le multi-instrumentiste disparu jeudi a également été la première star mondiale à croiser le fer avec les grandes majors musicales pour conquérir sa liberté commerciale et artistique.

« Les contrats musicaux sont comme, je vais dire le mot, de l’esclavagisme »: les récents propos du Kid de Minneapolis, rapportés par la radio américaine NPR, disent tout de son aversion et de son mépris pour une industrie musicale dont il a tenté de s’affranchir en misant sur la scène. « Je dirais à n’importe quel jeune artiste: ne signe pas », avait-il ajouté.

C’est de loin avec la Warner Music que l’affrontement aura été le plus âpre, causant quasiment sa perte commerciale et le conduisant pendant plusieurs années à renoncer à son légendaire nom d’artiste. Ironie du sort, c’est cette même major qui le repéra, l’enrôla dans son catalogue en 1977 alors qu’il n’avait que 18 ans et, surtout, lui donna le temps de parfaire son art jusqu’à son premier succès planétaire 1999, paru en 1982.

C’est aussi la Warner qui, pendant douze ans (1985-1992), aida financièrement Prince à mettre sur pied son propre label, Paisley Park Records, sur lequel il fit signer de jeunes talents, telle la percussionniste Sheila E et de vieilles gloires comme le pape du P-Funk George Clinton ou la chanteuse Mavis Staples.

Rupture

Paradoxalement, le point de rupture se dessine fin 1992 quand la Warner offre un pont d’or à Prince. L’artiste paraphe alors un nouveau contrat de 100 millions de dollars pour six albums, qui est présenté alors comme le plus juteux jamais signé, loin devant Michael Jackson (50 millions) ou Madonna (60 millions de dollars). Mais le prix à payer n’est pas mince: avec ce contrat, la Warner met la main sur l’ensemble des bandes, les « masters », enregistrées par le natif de Minneapolis depuis 1978.

Leur relation se détériore alors à grande vitesse. Dès 1993, pour son 35e anniversaire, la star affirme ne plus vouloir enregistrer d’album et décide de renoncer à son nom de scène dans l’espoir de se libérer de ses obligations contractuelles avec la Warner.

Il se fait alors appeler « l’artiste anciennement connu sous le nom de Prince » ou se désigne par un nom imprononçable: les signes chromosomiques du sexe masculin et du féminin enchevêtrés. Signe que les couteaux sont tirés, Prince n’hésite pas non plus à se montrer sur scène avec le mot « slave » (esclave) écrit sur ses joues. Cette manoeuvre risquée lui cause du tort commercial mais n’aliène toutefois qu’une partie de ses fans. En 1993, les 72.000 places de son concert dans le stade londonien de Wembley s’envolent ainsi en moins d’une heure.

Désireuse d’assurer son retour sur investissement, la Warner commet alors un crise de lèse-majesté: elle publie une compilation des meilleurs titres de Prince, une démarche que l’artiste considérait comme un acte de décès musical.

« La fin d’Internet »

Fin 1995, la rupture est définitivement consommée. « Au cours de près de deux décennies de relation, l’artiste et Warner Bros. ont développé des différences irréconciliables », affirme alors Prince dans un communiqué.

C’est armé d’un nouveau label, NPG Records, que Prince va remonter la pente en misant sur les recettes de concerts, en nouant des contrats occasionnels avec des majors mais aussi en utilisant Internet pour écouler ses opus directement vers son public. Mais l’idylle de Prince avec le Web est de courte durée.

Ces dernières années, l’artiste s’est battu pour que les vidéos de ses concerts soient systématiquement retirées de YouTube pour protéger ses droits. Mais il a surtout dénoncé la montée en puissance des sites de streaming, fustigeant le faible pourcentage reversé aux artistes par iTunes ou Spotify.

En 2010, il déclare même la « fin d’Internet ». « Ce que je voulais dire c’est qu’Internet était fini pour tous ceux qui veulent être payés (de leur art) », avait-il expliqué quelques années plus tard dans le Guardian. « Et j’avais raison sur ce point », avait-il ajouté.

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