Pop départ! Six musiciennes qui dynamitent la chanson française

Cléa Vincent (au premier plan), Clara Luciani, Anna Jean, Calypso Valois, Fishbach et Juliette Armanet (de g. à dr.): une inspiration puisée dans l'univers des yéyé ou dans les années 1980, un son très contemporain. © Frédéric Stucin pour Le Vif/L'Express. Remerciements: flow-paris.com
Gilles Médioni Journaliste

Le Vif/L’Express a réuni six visages de la nouvelle scène féminine française qui modernisent la chanson de variété en bousculant l' »amour-toujours ».

Elles sont les nouvelles guerrières de cette french pop rétro futuriste qui prend sa source dans le courant yéyé époque Françoise Hardy ou dans la variété des années 1980 façon Gall-Berger. Le Vif/L’Express les a rassemblées pour une photo sur la péniche-concert Flow, à Paris, où elles se sont parfois produites. Rapidement, les vannes et les confidences fusent sous leurs franges bien lissées. Ces vingt- trentenaires, toutes auteures-compositrices, partagent souvent la même scène – réunies par l’une des six, Cléa Vincent – et les mêmes amis. Clara Luciani chante avec La Femme, un groupe produit par Samy Osta, qui a fondé un label avec Anna Jean. Il arrive que l’une (Juliette Armanet) écrive pour l’autre (Fishbach). On les a entendues sur des morceaux de Julien Doré (Juliette), Etienne Daho (Calypso Valois), Bernard Lavilliers (Fishbach) ou Nekfeu (Clara). Leurs propres chansons courent sur les ondes et leurs premiers albums, déjà dans les bacs ou à venir prochainement, créent l’événement.

Fishbach, vies hantées

Son parcours. Elle quitte l’école à 15 ans, puis c’est la ronde des petits boulots: vendeuse de chaussures, photographe sportive, guide au château de Vincennes (à l’est de Paris)… « J’ai commencé à chanter comme en exutoire. J’avais des choses à dire et à dire fort », lance (Flora) Fishbach en rappelant ses débuts à Charleville-Mézières (Ardennes), sa ville natale, dans un duo de rock brut. Depuis, chacune de ses prestations fait date et la fièvre Fishbach monte depuis un an: Prix Inouï du Printemps de Bourges; lauréate du Fair; une création aux Transmusicales de Rennes qui a fait date.

Ce qu’elle chante.« J’aime faire des voyages musicaux dans le temps: un slow des années 1970, de la variété sentimentale avec des sursauts de folie, des musiques inspirées des jeux vidéo. » Elle en est fan, et aussi de littérature fantastique, d’astronomie. Sa voix d’encre, incantatoire, s’enroule dans des mélodies heurtées, hantées par des chimères et des fantômes: un collègue suicidé, la famille Adams, des hommes broyés. « Je peux paraître froide, je ne le suis pas. D’ailleurs, sur la pochette de mon disque, je me présente fière mais vulnérable. »

Pourquoi Le Vif/L’Express mise sur Fishbach. Unique et multiple, son univers nocturne et bipolaire, rétro et moderne, a du chien et du loup avec ses paradoxes musicaux et sa lumière noire.

  • À ta merci (Entreprise/Sony Music).
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Cléa Vincent, système D comme danse

Son parcours. Ses études de piano classique la bouleversent. Celles d’économie-gestion la passionnent. Cléa Vincent est d’abord engagée par un éditeur de musique avant d’enregistrer un premier album, Happée, coulée (2013). Vers et revers: Universal décide finalement de ne pas le sortir. « Mais j’ai compris qu’il était possible de vivre la musique, en artisan, et du coup cela m’a plu de repartir de zéro. » C’est-à-dire en organisant des tournées « DIY » (do it yourself): concert dans un kebab à Amsterdam, une pizzeria à La Rochelle, un bar à Rome.

Ce qu’elle chante. Son premier vrai album célèbre avec des airs enfantins la variété des années 1980 (Véronique Sanson, France Gall, Michel Berger…). Cléa Vincent s’amuse d’une mécanique pop, légère, évanescente ou jazzy. Ses textes, faussement fleur bleue, évoquent l’amour, intense ou à distance, et invitent à la danse.

Pourquoi Le Vif/L’Express mise sur Cléa. Sa pop radieuse souffle sur les turpitudes de l’époque et les turbulences de l’amour.

  • Retiens mon désir (Midnight Special Records).
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Anna Jean, miss Juniore

Son parcours. Un tour en fac de philo, un pas de côté vers une maîtrise d’esthétique sur l’art urbain et un détour par des études d’anglais. La chanson vient à elle par son ami d’enfance niçois Samy Osta, réalisateur des disques de La Femme et de Feu! Chatterton. Anna forme le groupe de garçonnes Juniore et fonde, avec Samy, le label Le Phonographe. Parallèlement, elle poursuit en free-lance la traduction de sous-titres de séries télé.

Ce qu’elle chante. Elle s’inspire de faits divers, de films de Polanski comme Répulsion (1965) ou underground japonais, par exemple La Barrière de la chair, de Seijun Suzuki (1964), qui met en scène des amazones vivant de vols et d’arnaques. De sa voix bressonienne, parfois parlée, elle empoigne une pop sixties énergique ou empreinte d’un spleen aérien. « J’utilise des mots graves sur des musiques légères, comme Françoise Hardy dans les sixties. » Ses textes sont fins, ironiques et imagés. « J’ai grandi intimidée par l’écriture, c’est très bizarre d’être la fille d’un écrivain (NDLR: JMG Le Clézio). »

Pourquoi Le Vif/L’Express mise sur Anna. Une mélancolie vénéneuse inédite imprègne des chansons agiles et instruites, féministes et sexy qui remontent l’histoire de la pop.

  • EP: Marabout.
  • Album: Ouh là là (Le Phonographe).
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J’utilise des mots graves sur des musiques lu0026#xE9;gu0026#xE8;res, comme Franu0026#xE7;oise Hardy dans les sixties.

Anna Jean

Calypso Valois, influences secrètes

Son parcours. Chopin est son « grand amour » d’enfance. Mais c’est Racine, l’amant d’adolescence, qui l’entraîne vers les cours de comédie: « Devenir une autre, c’est grisant. » Calypso traverse d’abord le théâtre et le cinéma avant de céder aux sirènes de la pop, comme jadis ses parents Elli et Jacno. Elle participe à Jacno Future, l’hommage à son père, encouragée par l’ami Etienne Daho, « un des premiers à m’avoir entendue chanter ».

Ce qu’elle chante. Des émotions fugitives et de la chanson pop sous influence de Dani, Hardy, Daho. « Je m’écarte du « je » purement autobiographique pour me projeter dans l’imaginaire, l’exagération, le fantasme », note-t-elle. Christophe Honoré a réalisé le clip de sa chanson Le Jour, un échange de claques entre un garçon et une fille. « Le mouvement répétitif me définit bien, peut-être parce que je suis un peu obsessionnelle. »

Pourquoi Le Vif/L’Express mise sur Calypso. Un secret émane de ses chansons rythmées par les doubles sens et interprétées d’une belle voix de cristal sombre.

  • Le Jour (Pias).
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Clara Luciani, sublime souffrance

Son parcours. L’un des membres de La Femme à Marseille, rencontré après un concert, lui propose de passer des essais de voix. Clara, 19 ans à l’époque, plaque la fac d’histoire de l’art et retrouve le groupe, qui l’engage. Elle démarre donc avec La Femme et avec la formation Nouvelle Vague. « Au début, c’était les années galères, j’enchaînais les petits jobs entre deux concerts: pizzaiola, vendeuse chez Zara. » En 2016, elle remporte le prix inRocks lab.

Ce qu’elle chante. Les chapitres d’une rupture douloureuse aux titres remplis de larmes: A crever; Clara, pleure, Clara ou Monstre d’amour. « Mon chagrin d’amour me donnait soudain une légitimité de traiter ce sujet. » Elle chante aussi l’Emma de Flaubert ou glisse des vers de Verlaine dans Comme toi.

Pourquoi Le Vif/L’Express mise sur Clara. Pour sa force d’interprétation. Avec elle, les cendres de l’amour brûlent encore et la souffrance est palpable.

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Juliette Armanet, drôle d’amoureuse

Son parcours. Après des études littéraires, elle choisit d’embrasser le théâtre. « Comédienne sera ma vie », pense-t-elle alors en jouant Molière et Shakespeare. Mais c’est pourtant le journalisme qui, pendant sept ans, la retient: elle collabore aux soirées Théma d’Arte sur des sujets comme « la fessée en Suède », « l’inceste » ou « la jupe ». « Je me suis fait une éducation humaniste, tout en chantant à côté. » Par exemple, Ma Boucherie amoureuse, « du cabaret hurlé, déclamé, inaudible ».

Ce qu’elle chante. Des ballades au piano lumineux éclairées par une voix de tête – famille Gall-Sanson-Berger. Mais ses gammes sages peuvent basculer sans prévenir vers le disco. Sagan lui inspire des chansons sur le manque d’amour ou l’amour inassouvi. « Rien n’égale Bonjour tristesse« , dit-elle. Son minitube s’intitule d’ailleurs L’Amour en solitaire. Barbara est un phare: « Il faut brûler comme elle le faisait pour chanter L’Accident (NDLR: son nouveau titre)« .

Pourquoi Le Vif/L’Express mise sur Juliette. Elle griffe ses dépressions amoureuses d’un humour iconoclaste. D’ailleurs, ses photos de presse, réalisées par le plasticien Théo Mercier, la montrent en ponette, les avant-bras velus.

  • Cavalier seule (Barclay). Sortie d’un album le 22 avril. Printemps de Bourges, le 22 avril.
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