Critique | Musique

Plan B – Ill Manors

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

HIP HOP | Après le carton de « She Said », Plan B a laissé tomber la posture soul pour se lancer dans un premier long métrage et la bande son qui l’accompagne.

PLAN B, ILL MANORS, DISTRIBUÉ PAR WARNER. ***

Les apparences sont parfois trompeuses. Comme beaucoup, de ce côté-ci de la Manche du moins, on a appris à connaître Plan B grâce à son hit She Said. Tiré de l’album The Defamation of Strickland Banks, il voyait l’Anglais crooné en mode retro soul, pas loin du pastiche, tout en restant crédible. Dans ses clips, il portait veston et chemise blanche et miaulait son groove sixties sur fond de cuivres et de cordes à la Motown.

Les racines musicales de Plan B, né Benjamin Paul Ballance-Drew (Londres, 1983), sont pourtant ailleurs: du côté du hip hop. Son premier album, Who Needs Actions When You Got Words, sorti en 2006, sonnait déjà comme celui d’un Eminem cockney. Moins roublard et fendard que Mike Skinner (The Streets), Plan B était le pont peut-être le plus naturel entre le hip hop anglais et sa source américaine.

Après la parenthèse (?) Strickland Banks, il revient donc aujourd’hui à ses premières amours: Ill Manors est en effet un disque 100 % rap, enragé et frondeur. Tranchant.

L’épisode soul vintage n’aura pas été pour autant inutile. Au contraire. Grâce au succès de l’album, Plan B a eu les coudées franches pour s’attaquer à l’un de ses rêves: réaliser un premier long métrage. Acteur occasionnel, auteur déjà de longs métrages, il a écrit et réalisé Ill Manors, sorti au début de l’été au Royaume-Uni. Une histoire de dopes et de malaise urbain, tournée dans les rues de Forest Gate, dans le nord-est de Londres, là où a grandi Ben Drew. Certains articles parlent d’un scénario façon La Haine, entre violences policières et délitement du tissu social. Les autres n’ont pas manqué de faire le parallèle entre le sombre tableau des banlieues londoniennes dressé dans Ill Manors et les émeutes de 2011, qui avaient littéralement embrasé la capitale.

White riot

Avant de sortir un « véritable » 3e album, Plan B publie donc aujourd’hui la bande-son de son film. Logiquement, elle fonctionne en grande partie sur la même énergie, la même exaspération. Le « gap » sera donc peut-être difficile à combler pour les fans du Plan B version crooner soul. En cela, écouter Ill Manors, parsemé de dialogues énervés, a d’ailleurs quelque chose d’éreintant, de suffoquant. Dès l’entame, le rappeur saute à la gorge: sur fond de cordes névrotiques (on pense au Stress de Justice), Plan B invective –Oi!-, plante le décor en deux phrases avant de lâcher la sentence: « Fuel the fire, Let it burn. » Et de prévenir: « What you looking at you little rich boy!/We’re poor round here, run home and lock your door. » Le morceau suivant, I Am the Narrator, est peut-être plus posé, mais pas moins dark. Plus loin, Deepest Shame et un morceau comme Live Once retrouvent un peu le feeling soul seventies: ce sont à peu près les seuls. Introduit par le poète punk John Cooper Clarke, Pity the Plight s’arque sur un piano aussi mélodramatique qu’entêtant, tandis que Great Day for a Murder se fait presque bruitiste. A écouter Ill Manors, le rêve olympique semble déjà loin…

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