Critique | Musique

Phoenix: Ti amo… moi non plus

Phoenix © Studio Mitsu
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Quatre ans après Bankrupt!, les Français de Phoenix reviennent avec un album d’hyperpop sentimentale et colorée, prônant la légèreté (dans un monde de brutes).

Quand les Français ont sorti Bankrupt! il y a quatre ans, le titre même et son point d’exclamation semblaient tenir de la déclaration d’intention. Un geste de défiance envers le succès de l’album précédent: en 2009, le best-seller Wolfgang Amadeus Phoenix faisait passer Phoenix du statut de formation pop indé à celui de groupe superstar international, trustant les plateaux télé américains (et chopant au passage un Grammy). Tout à coup, la machine s’était emballée, les sommets atteints s’étaient révélés vertigineux: face à un tel succès, la suite ne pouvait qu’être un fiasco. Mais au moins, insistait Phoenix, si « banqueroute » il devait y avoir, elle serait flamboyante, spectaculaire…

Quatre années plus tard, l’interprétation tient toujours la corde. Mais une autre est désormais possible: et si, au final, au lieu d’un discours sur le groupe, Bankrupt! n’avait pas plutôt été visionnaire, annonçant le chaos actuel? La débâcle d’une société piégée par le règne de l’Entertainment (titre de leur premier single), noyée sous les infos au point de ne plus distinguer The Real Thing (titre du deuxième) -et d’élire le titulaire du compte Twitter @RealDonalTrump… Dans ce cas, sous ses dehors italo-kitsch, leur nouveau Ti Amo est alors peut-être plus « subversif » qu’il n’y paraît…

Dans une récente interview au New York Times, l’un des membres de Phoenix, Christian Mazzalai (guitare), explique comment le groupe s’est retrouvé cloîtré dans son studio le soir des attaques du 13 novembre 2015, à Paris. Une enclave protectrice, alors que, dehors, tout pète: c’est un peu la métaphore de Ti Amo…

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Bourré de motifs italodisco, flirtant avec les plans FM eighties (Lovelife, Fleur de lys introduit par un drôle de motif afrobeat, etc.), l’album est constitué d’une dizaine de bulles pop hypernaïves et sentimentales. Fini les expérimentations d’instrumentaux comme Love Like a Sunset, qui fonctionnaient comme des charnières sur leurs albums précédents. à la place, Ti Amo s’en tient à l’essentiel, écartant toute digression, ne se posant comme seule question que celle de pouvoir choisir entre Champagne ou prosecco, en écoutant les Buzzcocks et Lucio Battisti (comme le suggère le morceau-titre). Au passage, on notera que le groupe n’a jamais autant chanté français, tout en glissant également ici et là quelques mots en italien, voire en espagnol: quand l’Union boit la tasse, Phoenix, le groupe français préféré des Américains, sort ses chansons les plus « européennes »…

Un peu à l’instar de l’euphorie disco dans le New York déglingué des années 70, Ti Amo fonctionne ainsi comme une échappatoire. Une forme de résistance romantique et hypercolorée à la réalité. Le seul souci ici est qu’elle apparaît parfois un poil trop forcée: trop souvent, le groupe multiplie les clins d’oeil, alors que sa pop ne fonctionne jamais mieux que quand elle s’assume pleinement. C’est un bémol, mais qui est plus frustrant qu’agaçant: Ti Amo ne donne pas envie de moins, mais au contraire de plus.

Phoenix, Ti Amo, distribué par Warner. ***(*)

En concert le 15/07, au Dour festival.

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