Pendentif: « Le côté sexy fait partie de la charte du groupe, l’héritage de Gainsbourg »

"Le côté sexy fait partie de la charte du groupe, l'héritage de Gainsbourg." © DR
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Le deuxième album de Pendentif quitte les rives eighties du premier disque pour des chansons entre effeuillages corporels et zenitude en altitude.

« Faire une tournée des clubs plutôt que de jouer dans des salles conventionnelles? Oui, on aimerait bien, mais le circuit semble monopolisé par l’industrie du rap: c’est dans les boîtes que les mecs viennent palper un maximum de fric en un minimum de temps. En France, le hip-hop squatte le disque comme l’espace médiatique. » Aucune amertume apparente dans les phrases de Benoît Lambin, 40 ans, pas rasé, casquette à visière: un simple constat économique. Avec son comparse trentecinquenaire Mathieu Vincent, ils composent de commun la musique de Pendentif dont Benoît signe les textes. Un troisième zique, Jonathan, complète le groupe, mais dans les loges du Botanique -où le sofa défoncé ne décrochera aucun prix de design contemporain- ils sont rejoints par Julia Jean-Baptiste, jeune chanteuse parisienne aux racines partiellement martiniquaises. Cheveux noir de jais et tonalité légèrement plus grave que dans les chansons où sa voix décante le vague à l’âme et l’amour certifié des hauteurs. Intentions condensées dès l’ouverture du disque, sur une plage titulaire qui a tout pour remplir les clubs humides, de Miami à Bordeaux. Cette dernière étant partiellement la ville où tout a commencé en début de l’actuelle décennie pour Vincent et Lambin, même si celui-ci est d’origine rémoise et chti.

Fluides backroom

Assimilé aux contemporains La Femme, Baden Baden ou Aline, Pendentif semble avoir muté entre ses deux albums. Après un Mafia douce paru en 2013, nourri comme la progéniture croisée de Taxi Girl et Elli & Jacno, voilà Vertige exhaussé. Les sensations nouvelles sont entamées au premier morceau, la plage titulaire, sous perfusion dansante, quelque part entre le flouté érotique de Bilitis et les méandres contemporains de Blood Orange ou Toro Y Moi. Sensations d’un croupion volatile invité à se libérer de ses velléités hormonales: pas si loin que cela des fluides backroom où la voix se fond dans le maelstrom instrumental pour une proposition intégrale. Benoît: « C’est exactement ce que l’on a voulu faire: s’échapper des influences eighties-nineties à la Daho-Chamfort, et créer une esthétique dans laquelle on n’avait pas encore chanté en français. Donc, on a plutôt réuni les références contemporaines: tu peux avoir une basse deep house, des Charley de trap et une guitare à la Mac DeMarco, et tout se mélange. On fait de la pop, pas du littéraire, donc les voix sont rentrées dans le mix comme sur un album pop anglo-saxon. » Mathieu: « Et puis, il y a un détail d’importance entre les deux albums, ce n’est pas la même personne qui chante! Julia a remplacé Cindy au cours de la tournée du premier disque. » Julia est donc le vecteur de sensualité de Pendentif, mixant sensations amniotiques et suggestions érotiques. Pas seulement dans le titrage explicite ( Vas-y fais-le vite) mais aussi dans la prise de voix évoquant le chant de la samba: effleurer la musique pour mieux la déflorer. D’où cette prise de son « très proche du micro et réalisée dans la douceur. D’ailleurs le côté sexy fait partie de la charte du groupe, l’héritage de Gainsbourg », confirme Benoît Lambin. « Pour reprendre le mot de Chamfort, on a toujours fait de la musique dégagée, qui ne rajoute pas de la dureté à une époque qui l’est déjà suffisamment. »

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Aux vertiges de l’amour s’ajoutent ceux d’autres cimes, liées à la montagne: résultat indirect de l’installation de Benoît dans les Pyrénées. « Les paysages sont comme des métaphores de nos vies, où interviennent la mythologie de l’eau, la contemplation ou les tableaux à la Caspar David Friedrich. Les chansons reviennent à saisir des instants lumineux dans une journée. En ce sens, j’ai beaucoup aimé la façon dont Jean-Louis Murat essayait de retranscrire dans ses premiers disques des éléments de la nature via des instruments synthétiques. Nos morceaux n’ont rien de narratif, ce sont plutôt des flashs d’images. » Pour la promo, Benoît est même monté au ciel, ou quasi, en ULM. L’occasion aussi d’observer de là-haut que la France n’est pas au beau fixe pour les musiciens, stars non comprises. Si Julia est intermittente du spectacle -et  » fait des remplacements dans Nouvelle Vague, entre autres »-, Benoît et Mathieu assument d’autres boulots comme bosser chez un tourneur. Aucun ne gagne sa vie avec Pendentif. Sûr qu’il faudra dépasser les 5.000 copies vendues du premier album pour boucler les fins de mois. Peut-être par les pubs qui utilisent la musique du groupe, comme Nina Ricci et Tinder? « Alors là non, même pas, ce sont des réclames pour Internet qui ne rapportent rien. » Reste alors à décrocher un tube mondial, ce à quoi Vertige exhaussé pourrait peut-être prétendre. À moins de trouver un auteur qui a déjà transformé la pop en or. Benoît: « On avait été mis en contact avec Jacques Duvall, papa de la french pop d’ici (sic). Il nous avait envoyé un texte assez venimeux qu’on n’a jamais su employer: l’histoire d’une nana qui pique les mecs avec des aiguilles. »

Pendentif- « Vertige exhaussé »

Distribué par PIAS. ***(*)

Alors, disque de montagnard ou de baiseur? Les deux! Un continuum de dix titres qu’on absorbe d’une traite comme s’il s’agissait d’une seule pièce, juste divisée en chapitres perméables. La gangue musicale rappelle les flirts prolongés d’une Vanessa Daou ( Zipless, 1994) version french kiss, avec un jeu constant sur le double sens de l’élévation, à la fois sexuelle et naturaliste. Le morceau titulaire est le plus accrocheur et, comme les autres, il est fabriqué, outre la voix, avec des bandes de samples, de la technique VST,  » et non pas de gros claviers qui coûtent cher ». Pour un résultat sinueux aux finalités organiques « et même orgasmiques« , dixit la chanteuse Julia: aucune raison de la contredire.

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