Paul Simon emplit Forest de sa grâce

La tournée anniversaire de Graceland est passée par Bruxelles. Paul Simon rejouait son célèbre album, créé il y a 25 ans après un voyage controversé dans une Afrique du Sud déchirée par l’apartheid. Retour à Forest National où le chanteur donnait, en 1987, la première date d’une tournée qui dura 5 ans.

Après 25 ans, la musique de Graceland n’a pas pris une ride. En 1986, la sortie de l’album était entourée d’une vive controverse. En décidant d’aller jouer avec des musiciens noirs, Paul Simon brisait le boycott culturel imposé par les Nations Unies, qui visait à mettre un terme à l’apartheid. Aujourd’hui, alors que ça fait plus de 20 ans que l’apartheid a été aboli, c’est surtout la portée universelle de cette musique que l’histoire retiendra. Hier soir à Forest, la magie Graceland opérait toujours.

Comme on pouvait s’y attendre, la salle est comble. En tout, plus de 8000 personnes sont venues pour assister à ce moment unique. Le public voue un immense respect à l’homme, cela s’entend dès les premiers applaudissements. Un respect qui est réciproque. Le chanteur démarrera à l’heure prévue et donnera plus de 3 heures de concert, revisitant l’intégralité de Graceland, mais aussi d’autres chansons de son répertoire solo, et même quelques petits bonus de sa période avec Art Garfunkel. A 70 ans, l’homme a pris quelques rides mais a gardé toute la fraîcheur de sa voix. Il offre un concert plein de générosité, une grande fête à laquelle le public est invité à prendre part.

Des retrouvailles entre amis
Pour l’occasion, Paul Simon a donné rendez-vous à de nombreux ambassadeurs de la musique sud-africaine, dont beaucoup étaient présents sur la tournée d’origine. On savait l’homme modeste, mais on reste frappé par cette noble discrétion sur scène. Il se fond dans le collectif. Il y a une véritable admiration réciproque entre tous les musiciens qui se ressent dans chaque regard, chaque sourire complice échangé.

Dès les trois premiers morceaux Kodachrome, Gone at Last et Dazling Blues, c’est l’histoire de la musique des Etats-Unis qui est revisitée devant nous. On remonte les époques le long de la route 66′. Country, gospel, spirituals, brass bands envahissent l’arène de Forest National. Dans la mélancolique Fifty ways to leave your lover, la voix cristalline du chanteur, enveloppée dans des percussions venues de loin, fait dresser les poils des bras. Quelques minutes plus tard, avec That was your mother, on s’imagine en train de danser le quadrille dans un boui boui du sud profond des Etats-Unis. Notre coeur bat ensuite au rythme de Heart and Bone et de son jeu de guitare aérien. Le répertoire de Graceland n’a pas encore été entamé, et déjà Paul Simon nous emporte vers les sphères de la perfection.

Under african skies L’arrivée de Ladysmith Black Mambazo marque le début du set Graceland. Les polyphonies envoûtantes des vocalistes viennent nous parler au plus profond de l’âme. Sur scène, les 9 chanteurs accompagnent leur musique de danses souples et délicates. Après deux chansons de leur répertoire, Paul Simon vient joindre sa voix à la leur sur Homeless. Ensorcelant. Et quand, sur Diamonds on the soles of her shoes, il susurre « I guess everybody knows what I’m talking about », on n’est pas sûr de savoir exactement de quoi il parle, mais on est sur la même longueur d’ondes. Le pouvoir de la musique! Jospeh Shabalala et ses compères repartent en dansant, comme ils sont arrivés. On n’a pas le temps de les regretter que, déjà, on est submergé par l’ivresse des rythmes africains sur I know what I Know.

Après encore quelques hymnes de son album historique, Paul Simon s’éclipse pour confier à Hugh Masekela les rennes d’un intermède sud-africain. Ce grand représentant de la lutte contre l’apartheid entonne son hymne en l’honneur de Nelson Mandela, pour l’anniversaire des 94 ans du leader. Sur Stimela (coal train), avec juste sa voix et sa trompette, il nous emmène dans l’horreur des trains qui conduisent aux mines de Johannesburg. Sublime et glaçant.

Paul Simon réapparaît pour chanter le tant attendu Graceland, notre seule déception de la soirée. Mais comment aurait-il pu en être autrement? Chaque souffle, chaque intonation, chaque silence de la version studio sont tellement proches de la perfection, qu’il paraît impossible de retrouver cette volupté. Même pour Paul Simon lui-même. L’oeuvre a dépassé l’artiste! Mais la déception est de courte durée. Avec le riff de basse imparable de You can call me Al, c’est tout Forest National qui danse. Et remercie l’artiste d’un long tonnerre d’applaudissements.

Simon sans Garfunkel
Le temps de deux rappels, on prolonge le plaisir avec The sound of silence et The Boxer, magnifiques vestiges de la période avec Art Garfunkel. C’est avec sobriété qu’il entame la première, seul accompagné de sa guitare. Tout en finesse. On en oublie la foule autour de nous. Nous voilà seuls avec Paul Simon. Sur le deuxième rappel, ce sont 8000 personnes qui entonnent le « Lie la Lie » du refrain. Frissons. Le temps d’une soirée, l’artiste nous a ouvert la porte d’un monde où la musique élève l’âme. Il y a quelque chose de mystique dans la musique de Paul Simon.

Valentine François (stg)

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