Nuits Bota: le grand écart, de Mauro à Fishbach

D'un concert à l'autre... © Lara Herbinia
Kevin Dochain
Kevin Dochain Journaliste focusvif.be

Plutôt que de faire des choix, dimanche, on a préféré picorer dans tous les plats. Du coup, on a goûté à Cléa Vincent, Mario Batkovic, Sects Tape, Gruppo Di Pawlowski, Fishbach et Hercules & Love Affair. Impressions.

On l’a déjà écrit: cette année, les Nuits du Botanique déroulent l’une de leurs plus belles affiches depuis un moment. Et si les choix cornéliens s’imposent forcément, l’occasion est aussi idéale pour picorer à gauche, à droite et prendre le pouls de la scène avant les grands raouts de l’été, dans le confort du centre culturel. Dimanche soir, on a donc fait le choix de bouffer à tous les râteliers, se baladant de salle en salle.

On commencera par aller voir Cléa Vincent, dont on n’attendait pas grand-chose mais qu’on était curieux de voir si elle méritait ou non le titre de « musicienne qui dynamite la chanson française« . Et si sur disque, la demoiselle fait preuve d’un peu trop de sagesse, la scène donne une tout autre ampleur à ses morceaux. Le quatuor (basse, batterie, deux claviers) groove en diable et emmène ailleurs les textes légers de la Parisienne. Si bien que sous ses airs de France Gall pour génération Y, Cléa Vincent emprunte parfois des inflexions polnaréviennes, des accents proches d’un Sébastien Tellier: ce n’est pas pour rien que son Château perdu, splendide final, nous rappelle quelque peu la Ritournelle de ce dernier…

Grand Salon de Concert, dimanche 14 mai 2017
Grand Salon de Concert, dimanche 14 mai 2017© Olivier Donnet

Comme on ne comptait en voir qu’un petit morceau mais qu’on n’a pas réussi à décoller avant la fin du concert, on ne verra ensuite que la fin de celui de Mario Batkovic. Le Bosnien de Suisse, protégé de Geoff Barrow de Portishead, réinvente l’accordéon de fulgurante manière: si d’habitude, on est plutôt du genre à classer le piano à bretelles du côté des instruments insupportables, pas loin des cornemuses et autres binious, la performance est ici soufflante. Seul en scène, Batkovic occupe autant l’espace qu’un groupe complet, sort des basses d’outre-tombe, hypnotise en donnant une dimension tribale à son instrument qui prend des sonorités presque électroniques. Et dans l’intimité du Grand Salon de Concert, on ressent chaque respiration. Le tic-tac métronomique de ses doigts sur le double clavier captive. Beau et enivrant.

Beau, ce n’est pas le qualificatif qui colle le plus à la peau de Sects Tape par contre. Mais les mecs envoient du bois, encagoulés dans leurs cônes KKK roses fluo. C’est bas du front, punk à souhait, c’est direct et tranchant et très drôle à la fois. Les Tournaisiens remportent par ailleurs la palme de la meilleure sortie de scène, laissant chacun à son tour tomber son instrument pendant que le chanteur bénit chaque spectateur individuellement. Join the Sect!

Rotonde, dimanche 14 mai 2017
Rotonde, dimanche 14 mai 2017© Olivier Donnet

Après une sortie de scène aussi magistrale, il fallait une entrée en matière costaude pour assurer correctement la transition. C’était sans compter sur les talents dignes de l’Actor’s Studio (…) de Mauro Pawlowski, venu présenter le nouvel album de son énième projet, Gruppo Di Pawlowski. Le zot débarque seul sur scène, murmure le riff de son LTQ Blues avec des airs de gros débile qui ne sait pas ce qu’il fout là. La scène dure, dure, alors qu’il est progressivement rejoint par ses cinq musiciens. Et d’un coup, fini de rire, tous mettent le turbo simultanément. Dans ta face. Après avoir reformé brièvement ses géniaux Evil Superstars, claqué ensuite la porte de dEUS après douze ans de bons et loyaux services, Mauro multiplie les projets et est aujourd’hui le seul à pouvoir revendiquer une présence parallèle aux Nuits Bota et à leur off, les Nuits du Beau Tas. Preuve qu’une crédibilité underground peut parfois très bien se mêler avec une reconnaissance plus large. À grand renfort de mesures déstructurées (du genre à te renverser ton headbanging), de basses monstrueusement heavy, de guitares cisaillées et complexes, d’un soupçon d’électro et, surtout, d’un chant complètement habité: Mauro prouve que sa recette fonctionne toujours, mais n’oublie pas d’explorer les chemins de traverse. Jouissif.

Fishbach
Fishbach© Lara Herbinia

Retour ensuite à l’Orangerie pour un nouvel espoir de la scène française féminine: Fishbach. Précédée d’une hype conséquente, l’originaire de Charleville-Mézières a fait toutes les unes possibles et imaginables chez nos voisins d’outre-Quiévrain, des Inrocks au Quotidien de Yann Barthès. Et pourtant, ce soir, la dame peine à nous convaincre. Maniérée à l’envi, Flora Fischbach en fait des caisses à chaque intonation, souligne lourdement chaque effet scénique, comme quand elle se grille une clope en chantant (« nan mais ça fait trop Gainsbouuurg ») et se tortillant au sol. Pèche par excès de théâtralité. Quant aux chansons, si elles tapent dans le mile une fois sur quatre, elles se ramassent le reste du temps dans une caricature du pire des années 80 (coucou Desireless, coucou Indochine). Aïe. Un décrassage des oreilles s’impose, la house décomplexée et toujours efficace de Hercules & Love Affair fera l’affaire…

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