Nuits Bota: Fauve bouffe le Cirque

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Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Fauve sera-t-il la simple flambée de 2013-2014 ou le Léo Ferré 2.0 mâtiné de Wu Tang Clan? Philippe Cornet, qui était à leur concert ultra sold-out au Cirque Royal, apporte quelques éléments de réponse.

Complet depuis plusieurs semaines, Fauve fait monter les enchères des Nuits Botanique en cette soirée du jeudi 22 mai au Cirque Royal. Par exemple, celles de la tension scénique du collectif parisien, aussi fameux pour son déboulé musical à énergie hargneuse que pour le refus d’être clairement identifié en photo (1). Même si le net fait circuler l’une ou l’autre image où l’on pointe une demi-douzaine d’adulescents qui ressemblent à votre cousin d’Uccle en sueur. L’avantage de l’anonymat (relatif), c’est qu’avant le concert, les Fauve boys prennent tranquillement un verre au Citron-Vert, bar-resto face au Cirque. Personne ne les repère parmi les consommateurs des 20-35 ans et plus si affinités.

A l’intérieur de la salle, après la première partie de Nicolas Michaux (ex-Eté 67), l’attente densifie l’air du Cirque, bondé d’un public excité de voir ce spoken word pétroleur en chair et os. Déboulant dans la pénombre, le concert démarre sur De ceux avec une formule qui se vérifie pendant l’intégralité des 100 minutes suivantes: chanteur Marsupilami qui bouffe du kilomètre en déblatérant sa prose acide parlée-chantée, fragrances hip hop, rythmique qui tabasse et nuées de belles projections dérivées des vidéos, renouant incidemment avec l’époque où le rock se déclarait théâtral. Il y a quarante ans. Ce n’est pas la moindre des contradictions apparentes chez Fauve que de vivre en sang-mêlé, mi-permanence sociale pour génération en crise économique, morale et amoureuse, mi-maquisard du plaisir post-ado. Ainsi, lorsque passés une demi-douzaine de titres boulimiques (Haut les coeurs, Cock Music Smart Music, Sainte Anne etc), le guitariste demande au public de faire les choeurs sur 4.000 Iles, boyscouterie que Francis Lalanne n’aurait pas intégralement renié. Les gens adorent et hurlent les mots par coeur.

Malgré le tonus et les cris d’enthousiasme -on se croirait parfois chez Justin Bieber-, il est clair que cette générosité live, ce groove kangourou, cette gourmandise de jouer et de vivre tout en soulignant les failles des systèmes mis en place -minéral Voyou- connaissent aussi leur limite naturelle, sonore, pathologique. Mais là, on devance le coup de mou qui viendra (ou pas), celui des formules triomphantes qui éblouissent et puis fatiguent. Fauve sera-t-il la simple flambée de 2013-2014 ou le Léo Ferré 2.0 mâtiné de Wu Tang Clan? Les paris restent ouverts mais on aurait tendance à croire qu’ils tiendront la distance, pour cause de sincérité et talent manifestes. Après un rappel vorace conclu par Blizzard, les spectateurs quittent le building, rassasiés. Nous aussi.

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