Nick Talbot, alias Gravenhurst, est mort à 37 ans

Gravenhurst © Lucy Johnston
Kevin Dochain
Kevin Dochain Journaliste focusvif.be

Le singer-songwriter, producteur et journaliste est décédé mardi, a annoncé Warp, son label, dans un communiqué ce jeudi. Il n’avait que 37 ans et laisse une oeuvre bouleversante derrière lui. Les causes de son décès sont encore inconnues.

« Nous sommes choqués et attristés de partager la nouvelle de la mort de Nick Talbot, alias Gravenhurst, explique son label, Warp Records, dans un communiqué. Il est décédé à l’âge de 37 ans. C’était un singer-songwriter, multi-instrumentiste, producteur et journaliste au talent immense et il nous manquera énormément. La famille et les amis de Nick demandent de respecter leur intimité dans ces moments difficiles. »

« Je suis complètement dévastée de devoir confirmer que Nick Talbot, mieux connu sous le nom de Gravenhurst, est décédé à l’âge de 37 ans, témoigne Michelle Hilborne, sa manager. C’était le meilleur, le plus extraordinaire et inspirant des songwriters, chanteurs et interprètes, ainsi qu’un producteur et journaliste remarquable. Le travail de Nick a touché profondément tellement de gens à travers le monde. Remarquablement intelligent, compatissant, fascinant et plein d’esprit, Nick était un ami très proche et son absence est d’une indescriptible tristesse. »

Triste coïncidence, une compilation d’inédits, Offerings: Lost Songs 2000-2004, est parue ce lundi, pour fêter les 10 ans de la sortie de Flashing Seasons. Warp avait également sorti un documentaire sur son attachement à sa ville natale de Bristol, à voir ci-dessous. Gravenhurst devait démarrer une tournée anniversaire dans la foulée, qui se serait clôturée le 7 février à Genève.

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Nous rencontrions Nick Talbot il y a deux ans, à l’occasion de la sortie de son grandiose The Ghost in Daylight. « Mourir est un super moyen de commencer une carrière », confessait-il ironiquement à l’époque. Voici ce que nous en écrivions.

The Ghost Writer

Secret un peu trop bien gardé d’une Angleterre qui préfère les guitaristes de rock boutonneux aux singer-songwriters aventureux, Nick Talbot dévoile le splendide et bouleversant The Ghost in Daylight. Ou quand Nick Drake rencontre Brian Eno.

Gravenhurst
Gravenhurst© Lucy Johnston

Un mercredi de mars. Une de ces journées ensoleillées où les gamins mal élevés viennent vous cracher dans la figure aux terrasses de Sainte-Catherine devant le regard amusé de maman et de ses copines, trentenaires bcbg à qui on ne sait que souhaiter à part la ménopause. Nick Talbot, alias Gravenhurst, au demeurant très sympa, a lui aussi l’humeur bougonne. « On vous sert souvent des milk-shakes aussi petits que ça en Belgique (on apprendra plus tard que la serveuse, ravissante mais un peu gourde, s’est plantée et lui a apporté le surplus à la place de son verre, ndlr)? Ils m’ont entubé. Tu me diras, je crevais encore la dalle après avoir terminé de manger. » Nick Talbot fait gaffe à son fric. Nick, c’est d’ailleurs un peu la culture de la dèche. Plutôt que de dormir à l’hôtel, il pionce ce soir chez l’attaché de presse de son label. « Ma collection de disques? Je n’ai pas un seul vinyle. J’ai tout revendu, avoue-t-il en montrant une petite pile imaginaire de CD qu’il a conservés. Je n’ai gardé que ceux qui comptent vraiment pour moi comme le premier Flying Saucer Attack ou des disques d’amis avec qui j’ai une connexion toute personnelle. Je n’avais pas trop le choix. J’avais vraiment besoin de thune.« 

Parcours relativement classique. Nick a grandi avec les Beatles, Simon and Garfunkel et Dire Straits. Il s’est ensuite entiché des Smiths, de Cure, Joy Division, My Bloody Valentine, Stereolab, Broadcast… A vécu les Free Parties, les débuts de la jungle, la drum’n’bass. Son finger-picking, il prétend le tenir de Mark Knopfler et Paul Simon. « Dire Straits est vraiment sous-estimé par notre génération. Ecoute Private Investigations. Une énorme influence sur Gravenhurst.« 

Nick Drake est arrivé plus tard dans la vie du binoclard de Bristol. « Robert Smith parlait déjà de lui dans une interview de 1992 mais les gens se sont surtout mis à l’écouter dans la deuxième moitié des années 90. Il a été lamentablement ignoré jusque-là. Tout le monde se foutait de sa musique.« 

Prize money

Mis à part leur prénom et une voix d’une douceur rare, il y a comme qui dirait un point commun entre Nick Talbot et Nick Drake. La qualité voire la magie de leurs disques saluée, de leur vivant, par une terrible indifférence du public. Le mythe de l’artiste maudit en somme. « Si je tombe mort maintenant, beaucoup de gens s’intéresseront à moi d’ici une dizaine d’années. Mourir est un super moyen de commencer une carrière. En même temps, Nick Drake était poppy. Il aurait dû marcher à son époque mais il n’a pas été bien soutenu. Moi, je n’ai rien de très commercial. » Rien, si ce n’est, il en est convaincu, The Prize. Single extrait de son nouvel album couplé à une reprise de Tim Buckley, Song To The Siren, pour le récent Record Store Day. « The Prize devrait être numéro 1 des charts. Il en a le potentiel mais l’industrie du disque vit une drôle d’époque. Il y a peu de chance que je devienne le nouvel Adele. Dans les années 90, The Prize aurait vraiment pu marcher. Mais aujourd’hui, tu peux t’estimer heureux quand tu as vendu 2000 disques. « 

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Loin de Nick Talbot l’idée de courir derrière la gloire, les paillettes… « Je ne veux pas être célèbre, passer à la télévision et encore moins que les gens me reconnaissent dans la rue. Non, je ne veux rien de tout ça. Mais j’aimerais bien gagner le fric qui va avec. Le plus de pognon que j’ai récolté, à part à travers les concerts, c’est via l’utilisation de ma musique dans des films. Et c’est génial. Les gens n’ont pas à savoir qui je suis.« 

Talbot s’est retrouvé dans la bande originale de deux Shane Meadows, Dead Man’s Shoes et This is England, ou encore en toile de fond de la série américaine The Unit

Enregistré pour des clopinettes, en solo mais pas dans le dépouillement, le remarquable The Ghost in daylight est son premier album en cinq ans. « J’ai été victime d’une panne d’inspiration. Le genre de blocage qui permet de faire germer de nouvelles idées, comme me rassurait un jour Trish Keenan de Broadcast, paix à son âme.« 

Nick a aussi été malade. La gorge infectée, il a annulé des concerts. S’est même demandé s’il était fait pour ce métier. « Je voulais un disque que je sois capable de défendre tout seul sur la route. Pour des questions d’argent. Mais aussi parce que j’ai perdu ma voix en essayant de me faire entendre au-dessus des instruments et du volume d’un groupe. « 

Etre un artiste dans la dèche, c’est aussi être un artiste de la débrouille. Nick Talbot n’a jamais aimé les studios. La pression de l’oeil sur la montre et de la main sur la tirette du porte-monnaie. « J’essaie toujours de limiter au maximum le budget de mes albums. Ce disque ne m’a rien coûté.« 

Convaincu que beaucoup de chansons très bien écrites sont ces derniers temps très mal produites et d’un ennui sidérant, Talbot est dans une quête ininterrompue de sons non identifiables. Il a appris à manipuler, à jouer des pédales et effets pour créer une ambiance et une atmosphère dans ses chansons. « Sur ce nouveau disque, tu entends beaucoup d’orgues et un mellotron mais je n’avais pas le pognon pour me les payer. Ce sont des instruments très vieux et très chers. J’ai été jouer et sampler chez des connaissances ou encore dans un musée d’instruments mécaniques où j’ai trouvé un optigan. » L’artisanat jusqu’au bout des doigts.

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