Critique | Musique

Nick Cave, au nom du fils

One More Time with Feeling, le documentaire d'Andrew Dominik sur Nick Cave. © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Dévasté par la mort de son enfant, Nick Cave revient à la musique avec un disque sombre, poignant et rongé par le doute.

« You fell from the sky, crash landed in a field near the river Adur. » Tu es tombé du ciel, t’es écrasé dans un champ près de la rivière Adur. Dès les premiers mots de Jesus Alone, déchirant titre d’ouverture d’un album qui l’est tout autant, le décès de son fils qui a chuté d’une falaise à Brighton pèse de tout son poids sur le nouvel album de Nick Cave. Pourtant, le morceau a comme d’autres extraits de Skeleton Tree été écrit avant la disparition du jeune Arthur et prend dans ce contexte une tournure tristement prophétique. « With My Voice I Am Calling You », répète-t-il comme un mantra. La voix de l’Australien, cette voix qu’il dit perdre dans le documentaire One More Time with Feeling d’Andrew Dominik, n’a sans doute jamais été aussi touchante et désespérée. Fragile et pleine de doute. La tragédie n’est pas à l’origine de tous les textes, mais elle a complètement imprégné le processus d’enregistrement.

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Album sombre et intense, avec une lumière toute diffuse qui semble poindre au bout du tunnel, Skeleton Tree est avec No More Shall We Part et The Boatman’s Call (enregistré après qu’il se soit séparé de PJ Harvey et dont il avait interprété la chanson Into My Arms aux funérailles de Michael Hutchence) l’un des disques les plus calmes et tristes de Nick Cave. Il ne baigne pas pour autant dans les mêmes ambiances sonores.

Tout en métaphores

Si plusieurs Bad Seeds (Martyn Casey, Jim Sclavunos, Thomas Wydler) figurent au casting de cet album à la noirceur moins funèbre et sinistre qu’endeuillée, Skeleton Tree est avant tout un disque de Nick Cave et de Warren Ellis. Le multi-instrumentiste des Dirty Three semble un peu être à Cave ce que Pascal Humbert a été à Bertrand Cantat: un pilier dans la tourmente, une force tranquille, discrète, rassurante. Mais aussi un partenaire parfait pour se remettre à la musique après l’horreur.

La mort a toujours été omniprésente dans l’oeuvre et l’univers du rockeur australien, dont le père a perdu la vie dans un accident de voiture alors qu’il n’avait que 19 ans. Intense, bouleversant, Skeleton Tree raconte la perte tout en métaphores. Et c’est dans ses moments les plus dépouillés comme l’immense Magneto ou Anthrocene, porté par ces bruissements et ces choeurs qui semblent dessiner une conversation avec l’au-delà, qu’il se fait le plus viscéral et touchant.

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Nothing really matters when the one you love is gone… La moindre phrase évoque le traumatisme même quand elle s’envole d’une histoire d’amour (I Need You et ses nappes de clavier répétitives). Mis à part sur Distant Sky, duo qu’il partage avec Else Torp, une soprano baroque danoise qui le fait sonner comme le générique d’un drame amoureux hollywoodien, et un Rings of Saturn aux sonorités trop eighties, Skeleton Tree tient la tête haute avec le coeur en berne. La classe jusque dans le cauchemar…

NICK CAVE AND THE BAD SEEDS, SKELETON TREE, DISTRIBUÉ PAR V2. ***(*)

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