Micro Festival: l’urgence de ralentir

King Khan & the Shrines (ici à Dour l'an dernier) © Olivier Donnet
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

L’accordéon de Mario Batkovic, les fesses de King Khan, les hurlements libérateurs de Cocaine Piss et les débuts de Ginger Bamboo… Micro Festival, clap 8e.

« Il est payant parfois de savoir prendre son temps. Les tronches défaites du bâfreur hâtif et de l’éjaculateur précoce sont éloquentes à cet égard. » Pierre Desproges avait déjà tout compris. L’urgence de ralentir, la nécessité de lever le pied (celle de résister à la surenchère aussi), le Micro Festival en a fait son cheval de bataille… Une seule scène, huit ou neuf concerts par jour avec des DJ’s sur un petit podium pour occuper les changements de plateau (et désormais une sympathique terrasse surélevée)… Au Micro, on ne se presse pas, on flâne. On prend le temps de se voir, de raconter le compte, puis de boire des coups… Enfants friendly (le dimanche, à côté de sa foire au disques, il accueille même un concours de chaises musicales), le festival liégeois a la taille humaine (2000 entrées payantes) et l’ambiance familiale… Mélomane et défricheuse aussi forcément. Son affiche étant résolument placée sous le signe de la découverte. Qu’elle soit belge, voire locale, ou à dimension internationale.

Les Anglais de Crows, qui approchent pourtant de la trentaine, n’ont même pas encore d’album à leur actif. Emmené par un chanteur charismatique et épileptique, une espèce de petit frère de Ian Curtis, Crows a le rock noir, répétitif et tendu. Crows a grandi avec Black Flag, le punk (hardcore ou pas), puis aussi Nick Cave et son Birthday Party. Crows traite d’homophobie et de douteuses techniques de l’armée américaine pendant la guerre du Vietnam… On en reparle sous peu. Avec Bad Breeding et Uniform, la journée de vendredi est sans aucun doute la plus pêchue et aboyeuse de l’histoire du Micro. Ca fait un peu beaucoup certes et on a parfois l’impression de se faire tabasser les oreilles par des groupes de rock en colère mais ça permet de mettre en perspective la qualité et les talents de Cocaine Piss. Riot grrrl moderne entouré de bruyants et très solides chevelus, Aurélie Poppins en folle psychologue aux airs de frappadingue expurge les frustrations et brise les chaînes. Une victoire haut la main pour les régionaux de l’étape, cousins belges de Perfect Pussy. Mais une victoire tout de même à se partager avec King Khan et ses Shrines. Seule bouffée d’oxygène au milieu de toute cette rage pas vraiment contenue… Cela fait quatre ans maintenant que le décadent et flamboyant Indo-Canadien et sa bande tournent avec le même disque (Idle No More) et les mêmes costumes (ah cette combinaison avec aération des fesses intégrée) mais l’enthousiasme, la niaque, les cuivres, la bonne humeur communicative font toujours le même effet. Ne lui aura manqué que ce petit rappel dont il était le premier à vouloir s’acquitter…

After au café africain du coin, boulets pour se requinquer… La journée de samedi est nettement moins névrosée et monomaniaque. Après un premier concert à La Zone, Jérémy Alonzi, le Dirty Coq de l’Experimental Tropic Blues Band, présente au Micro son Ginger Bamboo. Un projet prometteur avec choeurs féminins (entre girl group sixties et envolées africaines) qui lui va comme un gant. Rocailleux, sexuel et groovy… Signé sur le label Invada de Geoff Barrow (Portishead), le Bosnien de Suisse Mario Batkovic fait lui chialer des tatoués seul en scène avec son accordéon. Faisant oublier les traumatismes d’Yvette Horner en réinventant le piano à bretelles.

Dépaysement assuré. Jasper Verhulst, le bassiste de Jacco Gardner, nous emmène en Turquie dont il a découvert la scène des années 70 lors d’un concert à Istanbul. Psychédélisme oriental, trésors underground du rock anatolien… Altin Gün revisite le patrimoine de la musique turkish. Reprend le Yekte d’Osman Ismen… Le Micro prend le soleil sous la grisaille. Bien aidé dans la foulée par les plages « Afrikrautrock » de Phoenician Drive. Le sextet bruxellois qui vient de sortir chez Rockerill Records un EP enregistré aux Ateliers Claus voue lui aussi un amour non feint au rock psychédélique d’Erkin Koray, aux sonorités orientales et d’Afrique du nord. Le Micro n’a pas d’oeillères et c’est comme ça qu’on l’aime…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content