Merci la vie!

Lundi, c’est Fristi. Comme chaque semaine, notre chroniqueur est allé vérifier si le côté obscur de la vie était toujours aussi vaillant. Night in, Night out, épisode 33.

Ca commence par une légère difficulté: je m’endors sur mon clavier. La tête en touches. Compliqué ce dimanche, d’autant qu’il me reste un paquet de lignes à coucher d’ici la fin de cette chronique, trente-troisième du nom, grosse ambiance, spasmes au jus de patate. Pause. Voilà, ça va beaucoup mieux. Une sieste bien costaude plus tard, le mal au crâne certes persiste, mais les idées s’éclaircissent. Je me souviens d’avoir fait le foufou dans la nuit de samedi à dimanche, en lâchant la phrase vantarde des phrases vantardes, la phrase fétiche du beauf généreux, à prononcer avec accent, n’importe lequel, mais un accent fort, plein d’assurance, plein d’assurance mais aussi d’inquiétude quand tu n’as, sur ton compte, qu’une armée d’euros malingre et souffreteuse, prête à se sacrifier pour la cause de la camaraderie éthylique mais clairement faillible, la phrase vantarde de l’homme accompli avec un grand Pli, la phrase vantarde qui troue les poches, qui perce l’estomac, qui sèche les canalisations: « T’inquiète, je vais mettre une bouteille. » Hara(vache)-Kiri(kirikirikiri).

Alors évidemment, quand tu « mets une bouteille », surtout dans un club immaculé de Knokke, tu passes d’abord de longs instants à chercher, à trifouiller, à tripoter, à perquisitionner. Une inspection minutieuse destinée à révéler les mille et un trésors dispersés dans ladite bouteille. Car il y est, immanquablement, une pépite d’or. Une poussière de diamant. Ou le secret de la vie après la mort. Quelque chose quoi, un truc, un machin, un bidule en plus, une blague Carambar. Sinon, comment expliquer que l’alcoolique bonbonne d’Eristoff, 10,90 euros toute mouillée dans mon Carrefour Express, se métamorphose en catin de luxe, à 100 euros l’arrivée sur table? Quelle étonnante transformation. Tu cherches donc, encore, puis encore, puis encore, jusqu’au moment où, libre de toute entrave de dignité, le GSM te brûle les doigts, les SMS fusent, les appels d’ivrogne s’enchaînent, au mépris de toute classe, de toute élégance, malgré la qualité évidente (dans ta tête) des farces produites sur le moment. Puis tu te réveilles quatre heures plus tard, un dimanche printanier, et tu te mets à chanter « Avoir un seul enfant de toi » à ton seul ami, blanc d’émotion, tout en effervescence, ton Dafalgan ta bataille.

Tu te diras, dans un langage qui t’appartient, « comment donc, l’ami, toi l’enfant du peuple, as-tu pu t’aknokkiner avec la bourgeoisie ralpheuse et vulgaire de la op de zee? », un samedi soir où le Fuse accueillait les légendes Carl Craig et Stacey Pullen, un soir où le Libertine bookait le jubilatoire DJ Mehdi (avec l’anglais Riton, dans leur projet Carte Blanche), un soir où Bruxelles avait globalement chaud au marcel? Et bien, voici l’histoire d’un garçon qui, tel Hugh Grant dans Notting Hill, rencontra son Anna Scott sous un soleil déclinant, face à la mer, face à son destin. A cet instant, l’horizon fermait lentement le rideau. Une paire d’heures plus tard, l’indispensable Simon Le Saint passerait les plats au Zuri, petit club blanchâtre et racé adossé au casino local. Nous étions arrivés à bon port, à Knokke, devant la Piazza, resto-bar chic d’une station chic pleine de voitures chics et de chiens chics avec des vêtements chics de chiens chics. Soudain, brutalement, le flash. « Simon, arrête-toi tout de suite. Là-bas, regarde… c’est Jean-Charles De Keyser! »

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Accroché au téléphone, le pull forcément noué sur la poitrine, l’inoubliable interprète de L’amour mord la vie (la vie mord l’amour) gisait là, à portée d’autographe. Suspicieux d’abord, Simon finit par se rendre à l’évidence. « Incroyable, c’est vraiment lui en plus! » Et par agir. « Passe-moi ton téléphone, on va faire une photo! » Sortie violente d’habitacle, répétition générale (« J’aime beaucoup ce que vous faites »), manigance. En intrus, en paparazzis, en groupies, Simon et moi nous approchons du patron de Belgacom TV/chanteur de charme. Avant d’être foudroyé par un doute, une fulgurance, une sueur froide: et si le crooner n’était pas là par hasard? Et si, au contraire, la chaise vide aperçue à travers la baie vitrée du Piazza, là où nous attendait la tablée de l’ami Daniel C., était tout simplement CELLE DE JCDK? Quelle opportune intuition, pour le coup. Parce que trois minutes plus tard, nous saluions effectivement celui dont Adamo dit « qu’il chante juste, ce qui est un atout indispensable, mais pas forcément respecté tout le temps ».

J’avais été un chouia taquin avec Jean-Charles dans un Nino précédent et la confrontation, si elle devait avoir lieu, risquait d’exhaler l’odeur âcre de l’écoulement volcanique. Ou plutôt, entre gens de bonnes sociétés, de s’habiller des couleurs bigarrées du malaise contenu. Comme souvent, dans ces cas-là, j’aurais été obligé d’assumer: si la démarche du patron de chaîne me paraît aussi légitime que respectable (sincèrement, le mec veut faire un album, ça déchire, why not, qu’il se fasse plaisir, même si on peut ne pas adhérer au contenu), le making of de l’opération tutoie joyeusement les sommets de l’humour involontaire. Cultissime. Mais au final, par manque de place, Simon et moi nous sommes installés à la table d’à côté. Sans prendre part à la conversation. Tout au long du repas, DJ Le Saint/Le Traître a profité de la situation, de ma situation, en hyène des bois obscurs, pour me saigner à blanc: je ne révèlerai pas ici les termes du chantage incessant auquel il se livra honteusement (en gros, si tu ne fais pas ça, je dis à JCDK qui tu es, etc.), mais j’y ai perdu une part de confiance en l’Homme.

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Plus tard, au Zuri, avant l’épisode bouteille, je notai dans mon GSM l’inscription suivante: « Attaque de GMILF dans le dj-booth ». En clair, une Grand-Mother-I’d-Like-To-Fuck était littéralement venue m’assaillir derrière les platines, où je jouais les gogo danseuses pour un Simon Le Salaud en grande forme. Regard torve, oeillades salaces, la dame restait relativement attractive malgré l’approche imminente de la nonantaine. Seulement voilà: quand elle levait les bras-balance-toi-sur-le-rythme-de-nos-pas, GMILF me régalait d’une paire d’auréoles soigneusement coloriées au Stabilo. Et ça, bien plus que l’âge, ça tue l’amour. Dommage. Mais merci à elle. Merci d’avoir su voir en moi l’homme séduisant que seules les femmes d’expérience, souvent nées avant 1953 d’ailleurs, réussissent généralement à déceler… Comme souvent, à Knokke, la soirée s’est achevée au Kitsch Club, mais là, tout de suite, même en me concentrant fort, je ne me souviens plus de rien. Faut dire qu’après un jeudi aux Jeux (retour 6h10) et un vendredi à la Fête du Progrès (retour 6h42), la mission commençait doucement à sentir le cramé.

Vendredi, justement, un peu moins de monde que l’an passé à la Fête du Progès, du moins me semble-t-il. Mais une atmosphère complètement électrique, des ondes sexuelles palpables et puissantes, un choc sensuel exquis dont la bande-son, d’abord assurée par Mustang, prit, sous l’habile escarcelle de l’ami Bernard Dobbeleer, une tournure chaude et éclectique. Parfait pour le public présent, probablement moins pointu qu’aux heures bastonnantes du Supersport. Pas vu les pontes du PS par contre, suis arrivé trop tard: pas vu Elio ni Laurette, pas vu si Magnette se mange de la groupie, pas vu si André Flahaut a pu entrer (si j’étais portier d’une boîte, je ne laisserais jamais entrer Flahaut, c’est très mauvais pour le commerce), pas vu si Philippe Moureaux break toujours aussi bien. Bref, devant l’état lamentable de ma mémoire, n’hésite pas à partager l’expérience ci-dessous (tu ne le fais jamais, mais bon). En attendant, j’ai 89 heures de sommeil à rattraper. Tu ne m’en veux pas si je débranche la prise hein? Bisous! Et rideau.

Guillermo Guiz

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