Les festivals « verts » sont-ils vraiment « verts »?

Le château de Ribaucourt à Perk accueillera le festival Paradise City les 4 et 5 juillet. © PG
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Depuis une dizaine d’années, les festivals multiplient les initiatives pour diminuer leur impact sur l’environnement. Avec plus ou moins de conviction. Exemple avec le Paradise City, nouveau festival électro, converti écolo.

Perk, dans le Brabant flamand. A quelques minutes à peine de Bruxelles, le village est l’un de ces coins délicieusement champêtres de la « groene rand ». Le bourg de 3000 habitants a même son château: celui de Ribaucourt. Des fondations du XIIe siècle, une allure actuelle datant du XVIIIe. Cerné par de larges douves, le lieu a logé notamment Louis XV, le général anglais Montgomery, et est occupé aujourd’hui par la famille de Lannoy. C’est ici, sur les terres de Monsieur le comte, qu’aura lieu la première édition du nouveau festival Paradise City.

L’événement est un fameux pari pour ses deux instigateurs, Dimitri Verschueren et Gilles De Decker. Des novices dans le domaine des festivals, mais qui ont pris visiblement le temps de mûrir le projet. Ils ont ainsi bien compris qu’il ne servait à rien de bourrer un peu plus l’agenda festivalier sans proposer un rendez-vous singulier, ou qui peut à tout le moins revendiquer une certaine personnalité. Pas question par exemple de se poser en concurrent de Tomorrowland ou en Werchter bis. « On espère avoir 4000 personnes par jour », explique Gilles De Decker. Un objectif loin d’être irréaliste, surtout depuis que le prestigieux Guardian a glissé le Paradise City dans son top 10 des meilleurs festivals européens « dont vous n’avez jamais entendu parler ». « On ne l’a pas vu venir! D’ailleurs, ce jour-là, quand l’article a commencé à tourner, notre site Web a été pris d’assaut, il a même été offline pendant une heure. » Cela faisait près de deux ans que l’idée du festival, à dominante électronique (option house, deep house…), trottait dans la tête des organisateurs. « Le modèle qui nous a en grande partie inspiré vient des Pays-Bas où, à côté des grosses machines, ont commencé à pulluler une série de plus petits festivals. Leur taille est modeste, mais du coup, ils peuvent aller plus facilement jusqu’au bout de leur concept. » En l’occurrence, le concept, au Paradise City, est celui d’une ville utopique, pour laquelle les participants, par exemple, n’achètent pas de tickets, mais une… green card.

Paradise City
Paradise City© PG

Le vert y est d’ailleurs la couleur dominante: le Paradise City a décidé de brandir bien haut la carte écolo. Après avoir donné un flyer dans lequel ont été glissées quelques graines, Gilles De Decker détaille ainsi les mesures prises. Notamment au niveau de la mobilité, le point le plus sensible d’un site relativement mal desservi par les transports en commun: « On veut encourager le carpooling, par exemple, en faisant payer le parking plus cher à celui qui vient seul en voiture. Nous avons également un accord avec Uber pour rembourser le trajet à trois depuis Bruxelles, à hauteur de 25 euros. » Il est aussi question de gobelets réutilisables, de toilettes vertes, d’eau du robinet ou encore d’une « no junk food policy »: « On a envie de proposer des plats « végé », et surtout bons, goûtus. Alors oui, il n’y aura pas le hamburger à trois euros, et les plats seront peut-être un peu plus chers, mais ils seront de meilleure qualité. »

Argument marketing

Le Paradise City n’est évidemment pas le seul à jouer la green attitude. Cela fait près de dix ans que la plupart des festivals s’y sont mis petit à petit. Pour certains, la démarche « écolo » fait même partie de l’ADN de base. Qu’il s’agisse par exemple de LaSemo, qui s’est présenté dès le départ comme un festival « durable ». Ou encore d’Esperanzah!, qui a inscrit l’effort vert au coeur de son engagement -d’autant plus cette année de Conférence climatique, programmée en fin d’année, à Paris, et qui sera amplement discutée lors des débats prévus dans le « village des possibles ».

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En général, et malgré des budgets, artistiques notamment, de plus en plus compliqués à boucler, plus aucun festival ne se permet de faire l’impasse sur certains réflexes verts. Avec plus ou moins de conviction. Chacun a inscrit ainsi à son cahier des charges un chapitre « green ». De Dour (sa charte de l’écofestivalier, son tri, l’interdiction des flyers…) à Werchter en passant par les Ardentes… Qui en fait le plus? Qui en fait le moins? Difficile à dire. Tout comme il est apparemment compliqué de traquer le greenbashing et d’évaluer la crédibilité ou l’efficacité des différentes initiatives. Il n’existe ainsi aucun label « vert » officiel. Plusieurs prix sont remis chaque année, au niveau européen, mais sans réelle concertation. Rock Werchter et le Pukkelpop, deux mastodontes parmi les plus « impactants », ont ainsi été récompensés d’un « Green and Clean Award », décerné par Yourope, la plateforme européenne des festivals (dont ils font partie). Par contre, aucun événement belge ne figurait dans la liste des « Greener Festival Awards » 2014, autre association montée pour « encourager » des événements plus « durables »…

Chaque festival fait d’ailleurs appel à des partenaires différents pour l’aider à diminuer son effet sur l’environnement. Preuve aussi que la thématique verte a créé tout un marché. Du côté de Paradise City, on a ainsi bossé avec CO2Logic. Proche des organisateurs, la société a donné ses conseils, et se chargera de calculer l’empreinte CO2 du nouveau rendez-vous. « L’objectif est d’être CO2-neutral, explique Gilles De Decker. Pour être clair, si notre bilan carbone est en positif, on s’engage à financer des projets verts qui compenseront nos émissions. »

En fait, Paradise City est un bon exemple d’une sensibilité verte de plus en plus répandue. Le « créneau » n’est plus seulement l’apanage des altermondialistes-ex-hippies-néo-bobos-écolos. Il est devenu notamment un atout indispensable pour toute cette nouvelle vague de festivals qui fuient le gigantisme pour privilégier une expérience plus cosy, intimiste. « Honnêtement, ni Dimitri ni moi n’étions des foudres de guerre écolo. Mais à force de creuser, et d’inscrire ça au coeur de notre projet, on est en train de changer nous-mêmes nos habitudes. A fortiori, en ne prêchant pas qu’à des convaincus, on a envie que cela provoque un peu la même chose chez notre public. »

PARADISE CITY, LES 4 ET 5 JUILLET, À PERK. AVEC ENTRE AUTRES MATTHEW HERBERT, BOB MOSES, FLIGHT FACILITIES, GUS GUS…

www.paradisecity.be

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