Les Ardentes J3: Christophe, couleur nuit

Christophe sur la scène aux Ardentes. © Olivier Donnet
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Son dernier album, sorti au printemps, avait confirmé son statut d’ovni ultime de la chanson française. Pas de chance: le public des Ardentes attendait surtout l’idole sixties…

On s’en souvient encore. En 2008, quelques mois avant sa disparition, Bashung donnait un concert d’anthologie aux Ardentes. Reclus dans les (souvent) ingrates halles des foires de Coronmeuse, l’artiste avait sidéré l’assemblée. Beau à chialer.

Huit ans plus tard, Christophe se retrouvait à jouer sous le même toit. Et à peu près dans les mêmes conditions. Heureusement, cet autre monstre sacré du paysage musical français va bien, merci pour lui. Très bien même. Au printemps dernier, il sortait Les vestiges du chaos, déjà l’un des disques français de 2016. Un album qui parvenait à combiner ses envies de chansons et ses irrépressibles tendances à l’expérimentation et l’aventure sonore. Allumé sublime, Christophe proclamait ainsi qu’à 70 piges, il est possible de continuer à chercher l’étincelle et la fulgurance. Autant dire qu’on se réjouissait d’avance. Sur le coup de 19h30, il est donc arrivé seul sur scène, la démarche princière et lunaire, se plantant courbé sur son tabouret pour mieux poser les enjeux de la soirée: « Je vous propose/D’ouvrir des choses/Des choses avec moi/Sur de nouvelles voies » (Définitivement). La proposition est faite. Pas certain cependant que le public ait vraiment saisi l’invitation…

Bientôt rejoint par ses musiciens (deux claviers, un guitariste, un saxophoniste, un batteur, et une bassiste), le dandy à moustache enchaîne avec Tu te moques. Là aussi, le morceau est tiré du dernier disque, dont on comprend vite qu’il formera l’ossature quasi-unique du concert. Sur Tangerine, Alan Vega est par exemple « remplacé » par un juke-box. Quant à Océan d’amour, il est emballé dans un crescendo qui trouble le palpitant. Le morceau aurait même pu être l’un des sommets du live si, comme le reste, il n’avait été noyé dans un brouhaha permanent. On commence même rapidement à craindre le pire: et si le public n’était venu au final que pour une chose, une chose seulement: crier Aline (pour qu’elle revienne)? En fait, il ne faut pas deux minutes pour qu’on en ait la confirmation: le concert n’a commencé que depuis 20 minutes qu’un premier noyau commence à réclamer lourdement, péniblement, la scie sixties. Imperturbable, Christophe, lui, s’en fout et trace. Pas franchement aidé non plus par un son bancal, incapable de reproduire la patine nocturne du disque, le sublime maintient le cap, tente de passer en force avec Ange Sale, puis les Vestiges du chaos. Mais rien n’y fait. Christophe a beau proposer de prendre le maquis, c’est l’autoroute que veut emprunter la grande foule. Tristesse. Pressé d’abréger, le chanteur, grand prince, finit malgré tout par s’exécuter. Non sans une certaine pirouette: il y a dans cette version d’Aline, reprise à s’en faire péter les poumons par le public, quelque chose du Creep de Radiohead. « I’m a weirdo »? Parmi les plus beaux.

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