Les Ardentes : De l’amour et des briques

Les Ardentes, jour 2 © BELGA Nicolas Lambert
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

En attendant les Diables, les underdogs du rap belge montaient au créneau. Rapide passage en revue des forces en présence.

Qu’est-ce qui restera après le raz-de-marée ? Une fois que la mer se sera retirée ? Y aura-t-il par exemple toujours de la place pour tout le monde ? Depuis maintenant trois ans, le hip hop belge a expérimenté une popularité comme jamais auparavant. On est convaincu qu’il sera impossible de revenir en arrière, de faire comme si tout cela ne s’était jamais passé. Mais au-delà des têtes d’affiche, qui réussira à creuser sa place une fois que le haut de la vague sera passé ? Car il y a du (beau) monde derrière.

Par exemple sur la grande scène des Ardentes. En début d’après-midi, elle est occupée par le label bruxellois La Brique. La brique ? Oui, comme la brique rouge, la couleur du sang, la couleur des i-Indiens. Ceux du 77, par exemple, belle bande d’Apaches venus en droite ligne de Laeken pour ouvrir le bal sur le coup de 14h30. On aperçoit leur dernier morceau, avant qu’ils ne laissent la place à leur kokoteuse Blu Samu, Anversoise d’origine portugaise, exilée à Bruxelles, et rappant en anglais dans le texte. D’aucuns la comparent à Coely. Mais alors sous une forme plus rêche et rugueuse, saudade hip hop presque jazzy par moment. Pour l’instant, accompagnée de la DJ Fatoosan, la formule tangue encore joliment, demandant à être encore un peu circonscrite. Y aura-t-il plus ? Y aura-t-il moins ? En attendant d’y voir plus clair, la proposition s’avère déjà terriblement attachante. Derrière, Swing enchaîne pour présenter son premier EP solo, Marabout, paru en début d’année. Simple et funky, le rappeur bruxellois fait dans la vibe feelgood, sans que cela n’empêche pas de creuser plus profond comme sur le groove capiteux de Cercle. Quand Loxley et Primero le rejoignent, l’Or du commun est alors au complet. Après des premiers efforts plutôt orientés boom bap, le trio bruxellois a réussi à évoluer pour moderniser son discours sans se trahir (les 4 millions d’Appolo, sur l’album Zeppelin). Ce que devrait confirmer le prochain Sapiens, prévu à l’automne dont ils ont révélé deux premiers titres, plutôt prometteurs. De quoi faire le break, pour un groupe dont la lisibilité et l’accessibilité méritent de rencontrer le grand public ?

Au même moment, Krisy devrait également lâcher un premier véritable album. Cela fait des années que le rappeur/producteur (pour son pote Damso notamment), connu aussi sous le nom de De La Fuentes, trace son territoire. En l’occurrence, un terrain de jeu fort peu pratiqué par ici : celui du lover suave, qui parle d’amour matin, midi et soir. Pas de panique : le « jeune Julio » le fait à sa manière, kinky certes, mais avec une distance et ironie qui le ramènent davantage à, au hasard, Sébastien Tellier que Matt Houston, ruminant par exemple plus qu’il ne miaule. La surprise du chef, c’est que sur scène, le « crooner » réussit à donner pas mal d’impact à ses downtempo. Avec Nixon, survolté en backeur de luxe, Krisy gère la grande scène de la Wallifornia Beach, maîtrisant son sujet, dosant parfaitement ses effets. En fin d’après-midi, sous le soleil, le concert « cruise » tranquille, accélérant quand il faut, où il faut. Une belle maîtrise du jeu, en résumé.

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