Les adieux belges de Juliette Gréco

Les adieux belges de Juliette Gréco © Manfred Werner
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

A 88 ans, l’icône de la chanson française s’est lancée dans une ultime tournée, qui passait lundi par… Anvers.

Juliette Gréco et sa robe chauve-souris
Juliette Gréco et sa robe chauve-souris© Manfred Werner

Les adieux avaient donc lieu lundi soir. Pas à Bruxelles, ni même aux Francofolies de Spa – qui ce soir-là ont préféré inviter Calogéro et faire la fête à Mario Guccio (oui, le chanteur de Machiavel)… Non, pour son ultime tour de chant en Belgique, la Gréco, icône de la chanson, muse existentialiste, s’est arrêtée à Deurne, Anvers, terres désormais sous la coupe NVA. Allez comprendre… Au moins la grande dame pouvait compter sur un cadre d’exception : le théâtre de verdure du domaine provincial Rivierenhof, écrin poétique parfait pour l’occasion. A 21h30, le piano de son mari Gérard Jouannest et l’accordéon de Jean-Louis Matinier glissent ainsi quelques premières notes mélancoliques. Ne comptez cependant pas sur Juliette Gréco pour que le concert tourne aux adieux graves et cérémoniaux. Soulevant timidement le rideau, elle rejoint directement son micro pour entonner un sautillant Bruxelles. Non pas que Gréco se voile la face sur le crépuscule d’une existence, qui, à 88 ans, se rapproche inexorablement : elle enchaîne avec Les Vieux et Le Tango funèbre. Dans sa robe chauve-souris en velours noir, la grande dame ne brave pas spécialement la mort. Elle en rit, joue avec. Sans défiance, mais toujours avec cette même énergie, cette même intensité. Pendant une heure, elle enchaîne les monuments de Brel, Gainsbourg, Ferré : la Javanaise, Amsterdam, Ces Gens-là, La chanson des vieux amants, Avec le temps… La mise en scène est minimaliste : Jouannest et Matinier sur le côté, elle au centre, qui chante moins qu’elle ne se promène sur les musiques, interprétant chaque mot, chaque syllabe, avec ce mélange toujours intact de majesté, d’espièglerie et de mélancolie toute européenne. Avec pour seules « pirouettes » ou effets spéciaux, le mouvement de ses doigts blancs sur sa robe noire, tour à tour statue antique, et séductrice mutine (« J’ai bien conscience que chanter ce titre à mon âge est tout à fait déplacé », se moque-t-elle avant d’entonner Déshabillez-moi). Pour terminer le concert, et alors que la nuit est tombée pour de bon, elle empoigne J’arrive, ce « dialogue avec la mort », et termine avec Ne me quitte pas. Le public anversois – on y croise Stef Kamil Carlens (Zita Swoon), des anciens Belges, des nouveaux hipsters – se lève d’un bond. Standing ovation sous les étoiles. « Merci, Madame », entend-on quelques rangs plus haut, « rrr » vondelien compris dans le texte. Merci pour tout, en effet.

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