Les 10 Days Off, l’ancien et le nouveau

Le festival électronique gantois bat son plein, proposant l’une des plus belles affiches de son histoire. Retour par exemple sur la soirée de lundi, avec la sensation Nicolas Jaar vs le patron Carl Craig.

Nicolas Jaar
Nicolas Jaar© 10 Days Off

Les Gentse Feesten sous la pluie, c’est pas ça. Tristounettes, les grandes fêtes populaires gantoises. Il est une heure du matin, et plus grand monde dans les rues. Oh, vous êtes où, les gens? Aux 10 Days Off, cela dit, on s’en fout un peu: on sort couvert. Pendant 10 nuits, le festival électronique se love dans les murs du Vooruit. Comme d’habitude. Sauf que depuis l’an dernier, les 10 Days Off ont fini de s’éparpiller dans tout le bâtiment pour recentrer la progra sur la seule salle de concert. La qualité plutôt que la quantité? Cela faisait en tout cas longtemps que le festival n’avait concocté une affiche aussi alléchante: Matias Aguayo, Agoria, Simian Mobile Disco, Richie Hawtin…

Lundi soir, par exemple. Sur le coup d’1h, Nicolas Jaar devait venir prouver que le buzz qui lui colle à la peau n’est pas usurpé. Avec 20 bonnes minutes de retard, la machine se met lentement en route. Danser ou ne pas danser: telle est alors la question. Ils sont nombreux à hésiter. Indice: sur scène, le groupe joue live, disposé en cercle, presque dos au public: ok, on ne danse pas. Les baffles n’envoient cependant pas que du « front », mais, comme dans tout bon club, sont répartis aux quatre coins de la salle: c’est bon, on peut bouger.

Même sur la slow house de Jaar? Sur disque, le Chilien laisse pas mal de vides, de creux, et de silences à combler. En live, la formule prend de l’épaisseur. Jaar est aux machines, accompagné de trois autres musiciens qui s’échangent percussions, batterie, guitare, claviers et saxophone. En gros, la démarche consiste à faire monter les nappes de clavier avant de les faire éclater sous la forme d’hyperbasses amniotiques. Avec une sono pareille, l’effet est saisissant. Mais derrière le systématisme, il y a plus encore à picorer: une guitare balearic ici, une ambiance new wave là, voire des influences africaines qui s’invitent dans l’une ou l’autre poussée de saxo. Le saxo justement, instrument que l’on pensait classé tricard: chez Jaar, il retrouve une patine urbaine un peu malsaine. Bien vu.

D’ailleurs, la sauce prend, méchamment. Jaar a même droit un rappel. Bon, le bonhomme prend autant de temps à réinstaller sa machine qu’à le jouer, ce fichu rappel. Résultat: en pleine montée, il doit refermer son laptop aussi sec. C’est que derrière, Dieu attend depuis une bonne heure. Et on ne fait pas poireauter Dieu.

Non pas qu’il râle: en fait, on ne l’a pas vu arriver, Carl Craig. Le pionnier, patron de la techno historique de Detroit (avec Jeff Mills, Derrick May et Kevin Saunderson quand même), s’est installé tranquille derrière son DJ booth, installé au pied de la scène. Beau comme un dieu, visage impassible, calme olympien: on appelle ça l’aura, non? Sur le coup de trois heures, il vrille les premières notes de piano cristallines, puis le premier groove. En quelques minutes, il arrive à recapter les clubbers. Craig fête les 20 ans de son label Planet E, mais sa techno sonne toujours aussi fraîche, percutante. Dans son dos, assis sur les planches, Nicolas Jaar et son groupe observent. La classe.

Laurent Hoebrechts

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