Serge Coosemans

Le pinard en carton et la fin de l’alcoolisme

Serge Coosemans Chroniqueur

Dans le futur, les gens boiront du vin issu d’une bouteille en algues qu’ils mangeront après avoir avalé une pilule leur zappant du cerveau les effets négatifs de l’alcool. C’est du moins ce que certains annoncent, de quoi bien faire gondoler Serge Coosemans. Sortie de Route, S04E34.

Dans le dernier numéro de Hot Rum Cow, un magazine écossais entièrement consacré à l’acte de boire de l’alcool, la journaliste Liz Longden envisage le futur de la soûlographie. Un futur étrange mais moins improbable que ceux que j’avais jadis moi-même imaginé pour cette chronique, ICI et LA. L’article de Longden se base en effet sur l’observation de certaines nouvelles tendances globales et non sur du simple foutage de gueule à niveau local, kikou Yvan Mayeur. Si on résume le tout à la truelle, ces tendances sont principalement aux nombre de deux: 1/ revoir le packaging, surtout pour raisons environnementales, 2/ minimiser les effets de l’alcool, principalement au nom de la santé publique.

Le packaging

D’après l’article de Liz Longden, qui ne fait jamais que répéter elle aussi ce que d’autres disent déjà depuis un bout de temps, la bouteille traditionnelle de vin, mais aussi de bière et d’alcool, pourrait à terme disparaître. Les packagings alternatifs existent déjà: le plastique, le sachet, le carton. A l’heure actuelle et surtout chez nous, dans un pays bien davantage sous influence des vignerons français, de leurs traditions et de leurs parti-pris que du côté anglo-saxon, l’alcool et surtout le vin en Tetra paks restent encore synonymes de piquettes. Les choses pourraient toutefois rapidement évoluer, pour différentes raisons plus ou moins bonnes: le prix du verre, celui de son recyclage, ceux du transport et du fuel…. Bref, principalement une affaire d’empreinte carbone. Depuis quelques années déjà, le cubi gagne du terrain et la qualité de son contenu s’améliore. Certains vins californiens de bonne tenue sont désormais eux aussi vendus dans des cartons, certes toujours sous forme de bouteilles, mais sans que le verre n’entre dans la composition de ce nouveau contenant aussi trompeur que funky. D’autres dingueries pointent également le bout de leurs bouchons, comme Ohoo, un packaging 100% biodégradable, à base d’algues.

Après usage, Ohoo ne se porte pas à la bulle à verres, ni au préposé aux vidanges. Elle se mange, tout simplement. Le problème majeur, c’est dès qu’entamé, ce contenant ne se referme pas, il faut tout vider en une séance. Un autre écueil, marrant mais important si on veut commercialiser l’idée à grande échelle, c’est que débarrassée de son contenu, Ohoo ressemble vraiment fort à un vieux préservatif. Bref, ce n’est pas encore vraiment l’idéal pour un Château-Latour cuvée 2019.

La fin de l’alcoolisme

L’alcoolisme serait de nature génétique, ce qui expliquerait les lignées familiales de boit-sans-soif. C’est une idée à la mode, que semblent confirmer les études scientifiques. La plupart des gens boivent modérément, 12% fréquemment et 5% seulement sont considérés comme d’indécrottables pochetrons. Que l’on pourrait éventuellement guérir. Dans un futur à moyen terme qui tient beaucoup du rêve mouillé d’eugéniste du dimanche, en analysant le code génétique de chaque nouveau-né et en parvenant donc à éviter le « réveil » de certaines maladies avant même qu’elles ne se manifestent. À plus brève échéance, il serait sinon bientôt possible de bloquer le désir d’alcool et d’en effacer la mémoire, en chipotant la chimie du cerveau des alcooliques. Moi, je pense que c’est d’une éthique encore plus douteuse que de faire découvrir le Jaggerbomb à un scout de Wavre, mais bon.

Plus raisonnable et certainement plus commercialement viable est sans doute l’idée de mettre sur le marché la pilule miracle contre la gueule de bois. Cela nous vient des États-Unis, avec l’aide des Chinois, et ça va visiblement encore un peu traîner, parce que c’est compliqué, et peut-être qu’il y aura même des lobbies de fournisseurs de brunchs pour rouspéter que ça leur serait une forme de concurrence déloyale. Ce qui arrive plus sûrement, par contre, c’est la pilule qui limite les effets de l’alcool. Celle-là répond à une véritable demande, puisqu’elle permettrait notamment à Jean-Marie Happart de ne pas signer de contrats dans une langue qu’il ne comprend pas.

Il y a deux pistes: la première, c’est de bloquer les effets de l’alcool. Vous buvez litrons après litrons, allez aux wawas 9 fois par heure mais restez totalement sobre. Le meilleur moyen de couper toute envie de recommencer, en somme. La deuxième proposition, c’est d’identifier les neurorécepteurs associés au plaisir de l’ivresse, au bien-être, à la joie et faire en sorte que les boissons ingurgitées les activent mais ne réveillent par contre pas la moindre paranoïa, le malaise, la violence, les pertes de mémoires. Autrement dit, picoler vous emmène à Disneyland. Mais quand comprendront-ils que c’est justement pour s’échapper de ce genre de cauchemar à la Aldous Huxley que les gens boivent?

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