Critique | Musique

Le nouvel album des Libertines était-il bien nécessaire?

The Libertines © PG
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

ROCK | Onze ans après, Pete Doherty et Carl Barât réveillent avec Anthems for Doomed Youth la discographie des Libertines. Était-ce bien nécessaire?

« It’s better to burn out than to fade away. » Il vaut mieux brûler franchement que s’éteindre à petit feu. Les paroles du Hey Hey, My My de Neil Young citées par Kurt Cobain dans sa lettre de suicide ont toujours autant de sens et de résonance 36 ans après la sortie de Rust Never Sleeps. La preuve vivante avec Anthems for Doomed Youth. Troisième décevant, et plutôt dispensable, nouvel album des Libertines. Quand en 2004, l’excitant groupe londonien produit par Mick Jones avait explosé en plein vol sur l’autel des addictions de Pete Doherty et de ses relations tendues avec Carl Barât, il laissait derrière lui deux disques impeccables. Pas très originaux ni engagés certes. Mais fiévreux, sincères. Portés par la fougue de sa jeunesse, un chaos bienvenu et un indéniable sens de la mélodie.

Onze ans plus tard, enregistré en Thaïlande, aux Karma Sound Studios, non loin du centre de désintoxication où s’est soigné jusqu’à preuve du contraire Pete Doherty, Anthems for Doomed Youth est loin d’inspirer tant d’éloges… La tournée de reformation passée l’an dernier par Forest National sentait un peu la pompe à fric et le rock en pilotage automatique. Les Libertines n’étaient pas un groupe de stade et ne l’avaient d’ailleurs jamais été. Fin de l’histoire, se disait-on. Entre remonter faire les gugusses sur scène pour renflouer leurs caisses et retourner enregistrer un disque, il y avait un pas qu’on ne voyait pas nécessairement les quatre « lads » franchir.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Guerre et plaies

Derrière son titre emprunté à un poème écrit par Wilfred Owen en hommage aux soldats tombés pendant la Première Guerre mondiale, Anthems for Doomed Youth (Hymnes à la jeunesse condamnée) a des allures de troisième hara-kiri et de énième balle dans le pied. Il y a toujours chez eux ce parler-vrai. Cette tendance exhibitionniste mais touchante à dévoiler ses failles et exposer ses plaies. Pas vraiment du genre cachottier, les Libertines évoquent ainsi leurs penchants autodestructeurs. Ils se souviennent de leurs heures les plus sombres. « Yes we thought that they were brothers/Then they half-murdered each other. » Et laissent poindre leur rancoeur. « It must be boring being you being me », chante Doherty. On l’imagine à l’adresse d’Anthony Rossomando qui le remplaça brièvement il y a dix ans déjà…

Musicalement, c’est autre chose. Intros, mélodies, phrasés… Les Anglais se piquent des plans et les resservent en plus proprets. Au point qu’on a l’impression d’avoir déjà entendu ces douze chansons en mieux. Sur des disques des Libertines, des BabyShambles et parfois même chez certains de leurs imitateurs… Le début d’Anthem for Doomed Youth évoque celui de Music When the Lights Go Out. Gunga Din rappelle l’amour de Doherty pour le reggae…

On ne sait jamais vraiment qui est responsable de quoi derrière les portes closes et les murs bien isolés d’un studio. Mais leur plus grosse erreur est peut-être d’avoir embauché Jake Gosling, producteur d’Ed Sheeran et des One Direction. Le bien nommé Fame and Fortune sonne comme une chanson de stade de foot. Les arrangements de You’re My Waterloo la rendent inécoutable. « We’re going nowhere but nowhere is on our way », ont-ils beau chanter… Les Libertines ont perdu leur urgence et leur viscéralité. Pas sûr qu’on ait encore envie de les y suivre.

DISTRIBUÉ PAR VIRGIN EMI.

EN CONCERT LE 4 MARS À L’ANCIENNE BELGIQUE. DÉBUT DE LA PRÉVENTE LE 16 SEPTEMBRE À 10H.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content