Le grand blanc avec une chaussure bleue

Lundi, c’est cannelloni, ou quand Guillermo Guiz, notre veilleur de nuit, revient sur les parfums nocturnes et brumeux du week-end. Night in Night out, épisode 21.

Ca commence samedi. Et ça commence là où ça aurait clairement dû s’achever, devant le visage sournois et torve d’un shot de tequila. On sous-estime trop souvent l’effet aléatoire d’un shot de tequila sur le reste de sa vie sociale. Surtout que le shot, en hyène sel-citron, en Gremlin, aime à se balader en bande, à se multiplier, à la ramener tour après tour. Peut se passer plein de trucs après. Déjà, tout le monde il est beau, tout le monde il est flou. Tu hug à la pelle, t’en roules des tonnes, des pelles, puis tu cherches une pelle, au réveil, pour aller t’enterrer dans un trou. En Flandre.

J’y reviendrai… La Flandre, justement. Jeudi soir, me retrouve à l’after-work mensuel du K-Nal, pour croquer un dwich dans les starting blocks, en attendant le reste de la meute. Là, par un hasard fortuit, des grappes entières de Vondel-talkers tapissaient complètement l’étage pour la « VIBkes », littéralement « Petits Flamands à Bruxelles », soirée nomade où les « étudiants et jeunes dynamiques néerlandophones sans esprit de clocher (sic) » s’amassent chaque mois, au Spirito, au K-Nal et bientôt au Mirano, om met de « maten » een potche te drinken. PS: j’ai été aidé pour cette phrase.

Harponnée dans les spots hype de la capitale, cette soirée prouve donc que les Flamands de Bruxelles, les Flamands à Bruxelles et les Bruxellois flamands (biffe la mention inutile ou blessante) ne sont pas tous alternatifs/cool/profonds, n’arpentent pas tous les bars de la rue Dansaert et ne connaissent pas tous Daan. Certains (ça doit être ça le côté « jeunes dynamiques ») portent aussi des chemises à carreaux sous leurs pulls en alpaga. Curiosité: la musique, électro-house accessible mais sympa, s’est bizarrement muée en Shakira au moment où je rendais les armes, vers minuit et demi, histoire de rester frais pour le reste du week-end…

De fait, gros programme le vendredi où la aussi, mais dans un style plus bohême, nos futurs ex-compatriotes s’étaient décidés à taper dans le steak nocturne avec un « Bal in the Box » de derrière les fagots. Le KVS avait invité l’inloupable Dimitri From Paris, l’un des pionniers de la French Touch. Cuisinés aux petits oignons house, disco et funk, ses sets coulent généralement comme les gouttes d’un grand vin mature, plein de cuisse et de mollet. En plus, pour chauffer la place, le théâtre flamand s’était tourné vers mes vénérables potes DJ Kwak et Bernard Dobbeleer, des soirées Strictly Niceness: au poil donc, le machin, sauf qu’on était à peu près 19 millions dans la salle. Et que je n’arrive toujours pas à draguer en néerlandais, ma catch-phrase étant « Over smaak en kleuren valt niet te twisten », ce qui ne s’utilise que dans des contextes bien particuliers.

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Un peu avant, puisque mon meilleur ami fêtait l’anniversaire qu’on a tous peur de fêter, la frontière sans retour de la trentaine, on est passé au Marquee. Au Marquee pour une avant-soirée étonnante. La fine équipe de Play Label attendait du peuple pour leur concept concert-soirée « Les Artistes ». Mais, passés par la bande pour booker leur groupe du soir, ils s’étaient retrouvé face à une drôle de situation: en étant forcé de tenir secret le nom du guest, les jeunes pousses montantes de la nuit bruxelloise s’exposaient à la possibilité de ne pas remplir totalement le Marquee, un club pourtant pas bien costaud niveau capacité, avec… les Tellers. Et c’est ce qui s’est passé, au final: on était finalement quelques dizaines à profiter d’un concert acoustique tout sympa, tout intime, tout gratuit en plus. Pas mécontent de l’avoir capté, ce plan-là. Puis le week-end se complexifie. Flash-forward (qui expliquera pourquoi j’alterne ces lignes avec les messages d’excuse, en ce dimanche de grande honte).

Faut me comprendre aussi. Il est 2h, samedi soir, et je me retrouve dans une cave. Au Barrio. Avec des femmes de science-fiction. Tous les premiers samedis du mois, la soirée Slowbounce installe la sono dans cette petite boîte humide aux murs nus, histoire de faire tourner la playlist dancehall marathon mitonnée par DJ Septik, l’un des tauliers du genre en Belgique. Septik, c’est le petit frère de Psar, passeur de plaques rn’b/hip hop/sons chauds qui vient du même quartier que moi, 10-70 représente, Anderlecht superslecht wantdekipperstanirecht (t’as vu, y’a un fil rouge). On était à l’école ensemble et depuis, Psar et son frère ont fait du chemin avec leur MP Family, leur émission de radio sur NRJ et leurs sets éparpillés dans le monde, y compris, fait rare, en Jamaïque pour le sieur Septik.

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Donc, la Slowbounce au Barrio… Suis blanc, j’ai un tee-shirt blanc. Au Barrio, la classe, c’est que le public arrive du haut vers le bas (phrase de prix Nobel) par un escalier qui dévoile progressivement les jambes des filles, réservant parfois de bonnes ou de drôles de surprises quand le reste du corps suit. Et dans les soirées dancehall, pour une blanche, t’as vingt métisses, antillaises et blacks, des piles de meufs à te sortir les yeux de la tête façon Tex Avery. Suis blanc, j’ai un tee-shirt blanc. Solitude. Improprement appelé ragga dans nos contrées, le dancehall n’a clairement pas été inventé pour moi. Enfin si, pour mes oreilles. Mais pas pour mon déhanché lépreux de blanc. On ne me la fait pas. Faut rester honnête.

Porté tant sur l’exotisme des formes que sur les sons à chaloupes, j’ai pourtant largement écumé les soirées collées serrées dans ma vie. J’y ai fait ce que j’ai pu pour shaker mon booty le plus dignement possible. Mais la sentence est là, imperturbable, incisive: les longues quilles de l’escalier, ficelées dans des robes d’affolement, c’est rarement pour un grand blanc à chaussures bleues qu’elles débarquent. Faut être lucide. Moi, ce que je peux offrir sur le dancefloor, c’est du Justin Timberlake version sclérose en plaques. Faut pas se mentir.

« Tu dois imaginer que tu fais l’amour et danser comme ça », me souffle un RP à la cool, gestes à l’appui, en mimant la crème de YouPorn à même le sol. « Je dois utiliser des objets alors, des fruits et des légumes… », farce-je pour désamorcer l’affaire. Ohh, ça va, on peut rire nan? Mais rire c’est rire, mais pisser dans mon chapeau et dire que je transpire, c’est plus rire, disait mon père. Et donc, voilà le chouette RP en question qui, ni une ni deux, m’emmène au bar pour le fameux shot de tequila. Un shot censé libérer mon corps des contraintes de la raide torpeur européenne (chui pas à moitié cliché aujourd’hui), un shot censé insuffler dans mon bassin l’élasticité nécessaire à l’air-copulation.

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Faut voir comment les mecs, canons et/ou stylés dans l’ensemble, maîtrisent l’histoire. Puis comment t’expliquer les mouvements des filles? Ca donne envie de faire des bébés, c’est comme dans les clips, mais à 30 secondes de la rue Haute. Ma vie sexuelle, de passablement misérable qu’elle est en ce début de millénaire, aurait largement été plus funky si j’avais pris la peine d’apprendre à danser le ragga dans ma vie au lieu de lire des livres et de regarder des films russes. Si j’avais appris le zouk par exemple, si je pouvais réellement danser sur Heads High de Mr Vegas au lieu de ressembler à un porte-serviettes Ikea, j’aurais peut-être un petit métis à mon nom au lieu d’écrire le dimanche, la tête dans l’intestin grêle, sur mes pitreries du week-end. Tfouuu, comme on dit à Anderlecht.

Tequila, une fois, deux fois, trois fois et puis oui, forcément, je suis plus fluide qu’avant, la musique fracasse, mais les meufs, c’est toujours pas pour moi qu’elles sont là, faut pas se leurrer. Alors je décide d’aller me finir lamentablement au K-Nal avec mes potes, parce que j’aime bien le cofondateur de Black Strobe, le DJ français Ivan Smagghe, star de l’électro au look de dépeceur de Mons, qui finissait sa bombe de set quand j’ai atterri. Faut me comprendre aussi, j’avais des sms qu’on regrette à préparer, des accolades à n’en plus finir à débourser et une réputation de poivrot à entretenir. Chienne de vie. Hond van t’leven (là, j’ai pas été aidé). Rideau.

Guillermo Guiz

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