Critique | Musique

Le disque de la semaine: Rivière Noire – Rivière Noire

Rivière Noire © DR
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

WORLD | Du Brésil au Mali en passant par Paris, le projet collaboratif Rivière Noire tient autant de l’utopie que de la brillante méditation musicale. Lumineux.

Le disque de la semaine: Rivière Noire - Rivière Noire

C’est d’abord une histoire de rencontres. Et d’évidences. A l’origine de Rivière Noire, il y a le chanteur brésilien Orlando Morais qui discute le coup avec le guitariste guadeloupéen Pascal Danae. On est en 2009. La star sud-américaine (sur son dernier album solo, il invitait Peter Gabriel, Youssou ‘N Dour…) a des envies d’Afrique. Danae l’emmène alors chez Jean Lamoot. L’ingénieur du son et producteur français a bossé sur les disques de Noir Désir, Girls in Hawaii ou Alain Bashung. Mais également sur ceux de Salif Keita, Tiken Jah Fakoly, Bako Dagnon… La suite tient de l’alchimie, de ces moments rares où tout semble se mettre en place le plus naturellement du monde. Partis pour une prise de contact, au mieux une séance d’échauffement, les trois se trouvent directement, composant en quelques heures trois premiers titres. Rebelote le lendemain. Sans aucune préméditation, Morais, Danae et Lamoot accouchent de ce qui ressemble fort à un album complet. Le trio tient malgré tout à ce que les morceaux goûtent au continent africain. Ils s’envoleront donc pour le Mali. A Bamako, ils enfilent de nouvelles sessions aux studios Moffou de Salif Keita. Des sonorités s’ajoutent: kora (le court instrumental Rivière Cora), balafon, percussions africaines… Parmi les invités, les voix exceptionnelles de Bako Dagnon et Kassé Mady Diabaté viennent compléter le tableau, chatoyant.

Baume

« Naturellement » métisses, généralement peu enclines aux batailles d’ego, les musiques brésiliennes ont toujours été avides de rencontres et de croisements. Pas étonnant donc de voir un projet comme Rivière Noire… couler de source. Au risque de glisser parfois vers l’image d’Epinal type « united colors of world music », il n’y a ici aucun cynisme, aucun calcul, aucune pose. C’est à la fois la plus grande qualité de l’album, et la seule petite réserve, l’enthousiasme général cédant parfois à quelques légèretés mélodiques plus banales. Pour le reste, Rivière Noire joue à merveille son rôle de baume musical, utopie sonore bienveillante croisant saudade auriverde et parfums maliens, passant d’une miniature blues (Pra Animar) à une gravité folk sous ciel étoilé (Te Esperar), tout en s’essayant à des formats plus pop (Londres-Paris avec Sylvie Hoarau, moitié brune du duo Brigitte). Un morceau en particulier vaut à lui seul de plonger dans cette Rivière Noire. Lente balade aquatique, Bate Longe est un morceau littéralement miraculeux. Ecrit à Bamako, un quart d’heure avant que n’arrive Kasse Mady Diabate, il a été enregistré en deux prises: la première fut interrompue par une coupure de courant. La seconde est sur l’album. C’est un petit chef-d’oeuvre de mélancolie lancinante. Le miel vocal d’Orlando Morais, le coup d’éclat de Diabate, comme portés par le lent mouvement des vagues, qui viendraient déposer tous les bleus au coeur sur le sable. Quelque chose comme la grande belleza

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