Le cinéma sonore de Turzi au Micro Festival

Turzi © Camille Vivier
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Ils signent des disques plus cinématographiques que des bandes originales. Turzi et Condor Gruppe seront respectivement à l’affiche du Micro Festival et du Pukkelpop. Leurs têtes pensantes racontent leur rapport au 7e art et à ses musiques.

Après A et B, Turzi sortait il y a quelques mois C. C comme cygne, corbeau, cormoran, colombe… Les noms d’oiseaux dont il a affublé les neuf chansons de son troisième album. C aussi comme cinématographique. Qualificatif qui correspond plus que bien à l’univers de ce Versaillais d’origine qui a installé son studio au sous-sol de l’immeuble où vit Bernard Lavilliers. « Au risque de vous décevoir, je ne suis pas un grand cinéphile, confesse-t-il. Je ne vais jamais au cinéma. Et quand je regarde des films, j’en oublie les titres. Par contre, j’ai un faible pour les BO. L’image que je m’en fais, le fantasme qu’elles font naître, les sensations qu’elles me procurent… J’aime ces émotions créées par des ambiances et des atmosphères. »

Les bandes originales partent généralement d’une scène, d’un scénario. Turzi, lui, met sa musique au service de films imaginaires. « L’auditeur a tout le loisir de se raconter des histoires. D’y voir de la violence, des poursuites en voiture ou que sais-je encore. L’ambiguïté et le doute me séduisent. Comme cette liberté offerte à ceux qui écoutent et propre à leur ressenti. »

Inquiétant, lugubre, nocturne, C évoque moins Lynch que Badalamenti. Un Angelo, écrivait-on à sa sortie, « qui sauterait d’un western à un polar, de Drive aux Brigades du Tigre, de la valse au hard, du slow au kraut, du rock psychédélique aux musiques électroniques… » Digestion plus que démonstration… Dans cet album, Turzi a mis toutes ces musiques qui lui plaisent et lui parlent. « Je travaille à côté. La musique ne me permet pas de vivre correctement mais je m’accroche depuis dix ans. Parce que j’en ai besoin et parce que ça me ressemble. Alors, je ne veux rien me refuser. Je vais aussi loin que je le peux dans mes fantasmes. A l’heure actuelle, les gens sont graphistes ou banquier le jour. Musicien ou travailleur sexuel la nuit… Il faut arrêter de tout cloisonner. On gagnera un peu de temps. »

A l’autre bout du fil, Romain est devant sa collection de disques. Bien en peine d’évaluer le nombre de soundtracks qui figurent dans ses étagères. « Je préfère consacrer mon argent à des instruments qu’à de la musique qui inconsciemment finit par teinter la mienne. J’ai environ 3000 albums. Mais je les classe par pays et par ordre chronologique. En BO, j’ai de l’allemand, du français, pas mal d’italien… J’ai effectivement beaucoup écouté Badalamenti que j’ai découvert tardivement. Et quand je vois un Morricone en farfouillant sur une brocante, je prends. Mais j’apprécie le méconnu, le délaissé, le sacrifié sur l’autel du mauvais goût. J’aime des trucs un peu vulgaires comme ZZ Top. »

Le Parisien, autodidacte, affirme également un penchant pour la musique d’illustration. « Ces trucs au kilomètre souvent composés pour trois francs six sous sont des points de départ intéressants. Notamment ceux qui datent de la fin des années 60 et des débuts de l’électronique. On peut chercher très loin mais je ne veux pas que l’obsession prenne le dessus sur ma musique. »

Romain s’est déjà frotté à l’exercice de la bande originale. C’était pour Low Life de Nicolas Klotz. Histoire d’amour entre Carmen et Hussain, jeune poète afghan, sur fond d’expulsion. Mais il a aussi connu une expérience plus malheureuse. « Un film de bagnoles. Le réal qui bossait dessus depuis cinq ans voulait du Patti Smith, du connu, mais il a déchanté quand on lui a donné les prix. Il m’a demandé de faire un truc qui ressemble. Et je lui ai pondu un bazar rien à voir avec des synthés. J’ai été débarqué… »

Amateur de peinture, d’architecture, de décloisonnement, Turzi n’a jamais été invité à jouer sa musique dans des festivals de cinéma mais il a déjà fait des DJ sets focalisés sur des BO. Eté invité à accompagner dans des ciné-concerts le Metropolis de Fritz Lang ou le Nosferatu de Murnau. « Une commande de la Cité de la musique à l’occasion d’un cycle Monstres et Vampires pour lequel Philip Glass avait travaillé sur Dracula. J’ai un peu flippé. Je n’avais jamais vu le film. Mais ça m’a offert davantage de liberté dans l’approche. Je venais de récupérer un synthé sampler avec lequel j’ai travaillé. Une claque énorme et une révolution pour moi. Les premiers pas dans la composition de C… » C’est pour Nosferatu que Turzi a ainsi écrit son premier slow. « Il paraît que ça nous va bien, sourit-il. J’ai toujours besoin de dangerosité, de nuit, de vitesse. A l’image de Coq qui doit beaucoup au Mother Sky de Can. Mais Colombe, c’est un thème de restaurant italien. D’ailleurs, entre nous, on l’appelle pizza. »

Dans le Focus du 7 août, la suite; l’interview de Condor Gruppe; les disques de 2015 qui se font des films…

TURZI, LE 08/08 AU MICRO (LIÈGE) ET LE 18/09 À LA MAISON DU PEUPLE DE SAINT-GILLES.

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